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Sommet des Brics+ : le caviar est frais chez Poutine, vous en reprendrez bien une louche, M. Guterres ?
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par Brice Couturier, pour Le Point - octobre 2024
Le sommet des Brics+ de Kazan (s'est achèvé) sur un maigre résultat : les participants (étaient) trop divers. Mais ils(auront) permis à Poutine de sortir de l’isolement diplomatique.
Le sommet de Kazan s'achève. Sur quel bilan ? Kazan, c'est fini. Les participants au sommet viennent de rentrer chez eux. Et les 134 points de la «déclaration finale», adoptée à son issue, sonnent creux. Depuis mardi, le dictateur russe, au pouvoir depuis un quart de siècle, avait pourtant réussi à réunir sous sa présidence 24 chefs d'État et de gouvernement, parmi lesquels Xi Jinping, Narendra Modi, Recep Tayyip Erdogan et Massoud Pezeshkian. Le prétexte à ce grand raout sur la Volga était le sommet annuel des Brics+, comme on appelle le mouvement depuis son élargissement à quatre nouveaux membres (Brésil, Inde, Chine, Afrique du Sud plus Éthiopie, Iran, Égypte, Émirats arabes unis).
Représentants patentés d'un présumé «Sud global», ces dirigeants contestent de concert l'ordre international libéral conçu et mis en musique par les démocraties occidentales au sortir de la Seconde Guerre mondiale (dit «de Bretton Woods») dans le but de prévenir une catastrophique récidive. Il s'agit ni plus ni moins de gérer les conflits entre États en imaginant un droit international, d'organiser entre eux un commerce régulé et arbitré, de les aider à surmonter les crises financières.
Mais cet ordre est aujourd'hui accusé d'avoir été conçu par l'Occident, d'après ses idées et dans son intérêt. Une coalition anti-occidentale a donc été lancée par des États, dont certains réclament simplement que leur puissance soit mieux prise en compte dans l'organisation du système et d'autres, désirant mettre à bas l'édifice tout entier, parce qu'il gêne leur appétit de puissance.
Quand le secrétaire général de l'ONU serre la main d'un dictateur recherché pour crimes de guerre
C'est, au premier chef, le cas de la Russie. À Kazan, Poutine a apporté la démonstration que, malgré la sale guerre de conquête et d'anéantissement qu'il mène contre la nation ukrainienne, son pays n'est pas isolé – comme le voudraient les démocraties occidentales. Il jouit, en effet, du soutien de deux des membres importants des Brics+ – la Chine et l'Iran – ainsi que de la neutralité bienveillante de trois autres – le Brésil, l'Inde et l'Afrique du Sud. Pour le «Sud global», Poutine n'est pas un paria, mais un leader éventuel.
Mais le succès le plus désolant de Poutine, sa prise de guerre la plus ignominieuse, portait le nom d'Antonio Guterres. Ainsi, le secrétaire général des Nations unies, qui a refusé de participer au Sommet sur la paix en Ukraine de Bürgenstock (en Suisse), a accepté l'invitation d'un dirigeant recherché pour crimes de guerre par la Cour pénale internationale et lui a serré la main.
Kazan, ville à majorité musulmane, située sur la Volga, n'avait pas été choisie par hasard. Il aurait été difficile, pour le dirigeant russe, de prétendre héberger «le Sud global» à Saint-Pétersbourg… Le mouvement des Brics+ apparaît comme une nouvelle version du tiers-mondisme. Et, comme cette ancienne idéologie, l'affirmation de la souveraineté irrécusable des États y est souvent brandie au détriment de la démocratie et des droits de l'homme.
Si l'objectif poursuivi par la puissance invitante était d'embrigader contre l'Occident «impérialiste et décadent» des États désireux à divers titres de remettre en cause ou de réaménager l'ordre international, les résultats ne sont pas à la hauteur des ambitions. En réalité, les États du «Sud global» diffèrent et divergent à bien des égards.
Les Brics+ ne forment pas un bloc homogène
Les Brics+ comptent plusieurs démocraties (dont le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud) et d'authentiques autocraties (la Russie et la Chine).
La Russie et l'Iran mènent des guerres indirectes contre l'Occident : Moscou en bombardant et en grignotant l'Ukraine, en s'invitant dans nos élections et très prochainement, nous dit-on, en commanditant des actes de sabotage en Europe ; Téhéran en cherchant à détruire Israël via le Hezbollah, le Hamas et les houthis du Yémen. Ces deux puissances, en étroite collaboration militaire et en collusion avec la Corée du Nord, visent à semer le chaos dans le monde.
Tel n'est pas l'objectif de la Chine, qui cherche, au contraire, à remplacer les institutions imaginées par l'Occident en 1945 par des alternatives, favorables à ses intérêts. Quant à l'Inde, l'autre poids lourd démographique des Brics, elle mène une politique tous azimuts puisque, en tant que membre du Quad, elle est engagée dans une alliance stratégique – avec les États-Unis, le Japon et l'Australie – dont le but est de contenir la poussée chinoise dans l'océan Indien.
Le risque d'un éclatement du monde en blocs fermés sur eux-mêmes
Les Brics+ constituent, certes, un défi lancé aux démocraties occidentales. Ils ont déjà suscité dans le passé la création d'institutions alternatives au FMI et à la Banque mondiale (New Development Bank et Contingent Reserve Arrangement). Mais ils butent sur l'essentiel : trouver une alternative au dollar comme monnaie de réserve et d'échanges commerciaux internationaux. La monnaie chinoise ne saurait jouer ce rôle, puisqu'elle n'est pas convertible.
Le signal qu'envoie ce sommet, c'est que le risque d'un éclatement du monde en blocs commerciaux fermés sur eux-mêmes s'aggrave. D'autant qu'une victoire de Trump aux élections américaines de novembre est (envisageable.) et réalisée !
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Illustration : Vladimir Poutine et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, lors du 16e sommet des Brics à Kazan, en Russie, le 24 octobre 2024. © Ekaterina Chesnokova / SPUT / SIPA
