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Législatives : le camp présidentiel vers un « ni RN, ni LFI » au second tour
Quelle consigne de vote donner en cas de duel RN-LFI ou de triangulaire ? La question donne de sacrés maux de tête au camp présidentiel, dont les représentants se perdent en esquives, éléments de langage ou divisions, quand elle leur était soumise. Elle est en passe d’être tranchée. Selon nos informations, ce sujet ô combien crucial et sensible a été au cœur d’une nouvelle réunion au sommet et en visio qui s’est tenue autour d’Emmanuel Macron, ce mardi après-midi, pour parler de la stratégie de campagne dans la dernière ligne droite de ces législatives anticipées.
Selon un participant, le chef de l’État a ouvert la discussion par cette épineuse question du barrage républicain, avec à l’autre bout du fil : le Premier ministre, Gabriel Attal ; les chefs des partis Renaissance, MoDem, Horizons, UDI, Stéphane Séjourné, François Bayrou, Édouard Philippe, Hervé Marseille et le radical Laurent Hénart ; les poids lourds du gouvernement, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire, Rachida Dati ou encore l’ex-présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Chose rare dans la période, alors qu’entre eux et face au président, les couteaux sont déjà tirés, un consensus s’est fait jour !
« La vraie ligne, c’est le réflexe républicain »
D’abord pour convenir qu’il fallait en la matière, « une ligne très forte et très claire au second tour » — dixit un participant. Et ce, afin d’éviter de patauger et de se déchirer au soir du premier tour dimanche prochain, comme ce fut le cas en 2022. Puis, de même source, « ce qui est ressorti de manière globale, c’est de dire qu’il fallait un refus des extrêmes, RN et LFI », « regarder ce qui peut être fait quand il y a un risque de victoire des extrêmes ». En clair, un appel au barrage en cas de duel ou un désistement en cas de triangulaire. « Cette idée était globalement partagée autour de la table », assure ce témoin de la scène.
Emmanuel Macron n’a pas tranché cette question (qui le sera avant dimanche) à l’issue de cet échange. Mais il a continué de renvoyer dos à dos le RN et le NFP, en étrillant « la ruine fiscale des deux programmes, le programme LFI, il suffit d’aller sur leur simulateur pour le voir ! Et le programme RN, qui dissimule un impôt caché ».
De concert, Séjourné, Bayrou et Philippe, ont en outre alerté sur l’importance d’examiner les circonscriptions « au cas par cas », imaginant des scénarii où le candidat « Ensemble » arriverait troisième mais aurait quand même une chance de victoire. « La vraie ligne, c’est le réflexe républicain. Les gens voient très bien dans un duel qui est républicain, qui ne l’est pas », estime de son côté un autre participant. Le barrage républicain jusque-là réservé s’était déjà fissuré à l’occasion des législatives de 2022. Il n’en reste pas moins que cette doctrine du « ni RN, ni LFI » constitue un tournant majeur pour Emmanuel Macron et les siens.
D’ailleurs, une autre ligne se fait entendre dans les rangs. Et elle s’exprime plus fort que jamais, ce mardi, avec la participation de fidèles du chef de l’Etat à une tribune publiée dans « Le Monde ». Rassemblant quelque 200 personnalités socialistes, écologistes et macronistes, et cosignée par les ex-ministres Clément Beaune, Agnès Pannier-Runacher et Stéphane Travert, elle appelle la droite, le centre et la gauche à « afficher clairement dès maintenant » qu’ils mettront en place un accord de désistement entre les deux tours des législatives contre le RN. Quitte à soutenir un candidat du Nouveau Front Populaire. A l’origine du texte, le journaliste Guillaume Duval, proche de Yannick Jadot, explique vouloir « contrer ce ni-ni », un discours « suicidaire et très grave pour l’avenir du pays ». « Il n’y a pas de parallélisme entre le Nouveau Front populaire et le RN en termes de danger », estime-t-il.
Une ligne de fracture en interne
« J’ai une détestation profonde de LFI, mais il est hors de question de laisser passer le RN. Il ne faut pas qu’une voix manque pour battre l’extrême-droite », approuve un candidat Renaissance dans le sud de la France. Tandis qu’un autre, nettement plus au nord, s’étouffait en ouvrant le quotidien du soir : « C’est lunaire ! »
Une ligne de fracture, symptôme des divisions qui minent le camp présidentiel. Sans compter le risque de braquer la gauche, où nombre de personnalités ont d’emblée dit qu’elles respecteraient le barrage. « C’est une ruse politique, une irresponsabilité, un affront à ceux qui n’ont pas hésité un instant à voter pour Emmanuel Macron en 2017 et 2022 », s’était indigné dès jeudi l’ancien Premier ministre socialiste Jean-Marc Ayrault sur France Bleu. Problème, à l’inverse, une partie de l’électorat macroniste réclame un cordon sanitaire autour de LFI.
Consciente de ce double piège politique, une frange de l’équipe de campagne, au QG, estime d’ailleurs que trancher la question du front républicain « n’est toujours pas la priorité », « qu’il y aura pas d’expression collective jusqu’à la fin de la campagne ». D’autant que cela revient aussi à anticiper une défaite, alors que les sondages promettent au bloc « Ensemble pour la République » une relégation à la troisième place, loin derrière le RN et le NFP. « Attention, les bourgeois sont en train de virer Rassemblement national », a d’ailleurs alerté Bruno Le Maire, ce mardi. Preuve que le camp présidentiel ne peut se payer le luxe de divisions. Preuve que ce n’est pas gagné, ce commentaire d’un participant en entendant le ministre de l’Economie : « Et il s’y connaît en bourgeois ! » Ambiance