REPORTAGE. À L'auberge Lou Bourdié, dans le Lot, on y vient manger les yeux fermés

  • Julie Fouillade sert le potage, entourée de son équipe.
    Julie Fouillade sert le potage, entourée de son équipe. DDM Manon Adoue
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Manon Adoue La DDM Edition du Lot
 
 

l'essentiel

Julie Fouillade a repris les rênes de l'auberge, des mains de Monique Valette, en 2019. La nouvelle propriétaire a gardé la formule et le menu qui a fait le succès de l'établissement : une auberge de campagne sans chichi. C'est peut-être pour cette raison qu'elle vient de décrocher le prix Terroir d'exception de l'Occitanie au Gault et Millau. 

Si la mère Brazier tenait des fourneaux dans le Lot, elle aurait choisi l'auberge Lou Bourdié dans le village carte postale de Bach. Sûrement pour son cantou qui sent le feu de cheminée même l'été et pour ses murs en pierre tellement épais qu'ils gardent les recettes comme un secret. Depuis l'époque du "Bourdié", le surnom affectif du grand-père de Monique Valette, la dernière propriétaire, rien n'a changé. Pas même quand Julie Fouillade a repris les rênes, en mars 2019. " J'ai commencé par la salle, l'été 2005 et je n'en suis jamais repartie ", se souvient la patronne qui est aussi sommelière. Cette année-là, elle passe l'été à Bach dans la belle-famille parce que sa fille est malade. Son mari Jérôme, aujourd'hui en salle, qui n'est autre que le neveu de Monique, fait les allers-retours entre Béziers la semaine et le Lot le week-end. Avant de venir s'installer définitivement à Bach. 

Elle arrive sur la pointe des pieds, depuis Tours, un peu par hasard. Elle reste par amour. Très vite, Julie Fouillade " prend le moule Bourdié ". Après le service, elle passe en cuisine, avec l'illustre Monique. Parce que Julie Fouillade veut apprendre, parce que Monique va partir, parce que Julie veut reprendre. Monique prévient : elle n'a pas de diplôme, pas de formation. Sa cuisine à elle c'est le chou farci et le bouillon de poule avec les perles du Japon, une cuisine de femme qui descend les branches de l'arbre généalogique. Parce que c'est son enfance, son terroir, son grand-père, sa mère. 

La première année est compliquée. " Je fais des plats à emporter, pas le choix, le restaurant est fermé à cause du Covid. Le dimanche, on fait carton plein, c'est le rendez-vous des voisins, leur petit plaisir de la semaine et parfois, leur unique sortie", raconte-t-elle.  La mairie joue le jeu et envoie les menus chaque semaine par mail, aux clients. La poule farcie servie dans la boîte à emporter passe avec succès l'épreuve du confinement. Mais la Tourangelle a des doutes : elle  a peur du " c'était mieux avant, de ne pas être à la hauteur". Il faut dire, aussi, que le restaurant est chargé d'histoire : Monique Valette est née ici même dans cette bâtisse aux colombages, au vieux parquet et au plafond bas qui font résonner les gueuletons. Julie n'a pas le droit à l'erreur.

Poule farcie, tourte quercynoise...

Voilà comment, elle, l'introvertie, est passée après Monique, la femme de poigne. La poule farcie, le potage, l'omelette aux truffes, le poulet aux morilles, le parmentier d'agneau, la tourte quercynoise et l'alicuit, un ragoût de canard cuit au chaudron, sont restés à la carte. " Il faut garder cette tradition dans nos coins, ici, on ne sert pas de poisson", glisse Thérèse, l'ancienne restauratrice de Beauregard, habituée des lieux. Julie rectifie : " On sert quand même de la terrine de poisson parce qu'il a bien fallu s'adapter aux clients. J'ai même découvert le quinoa et le boulgour ". Une petite entorse. La viande est découpée et servie au guéridon, comme les crêpes Suzette. Les randonneurs affamés - l'auberge est située sur le GR65, le chemin de Compostelle-  les fins gourmets et les bons vivants se retrouvent le lundi, mardi, jeudi, vendredi et dimanche midi.  Ici, pas de chichi. Il y a toujours des restes et les clients repartent souvent avec une bouteille remplie de potage. Une habitude qui fait aussi le charme du lieu. 

 

Le Gault et Millau ne s'y est pas trompé. En mai, le guide a remis le prix Terroir d'exception d'Occitanie à la patronne. " C'est forcément une petite angoisse supplémentaire, on nous attend au tournant mais je ne vais pas changer pour autant. Hors de question de devenir un gastro", explique-t-elle. Lou Bourdié restera la petite auberge de village où l'on vient manger les yeux fermés et de loin, depuis des décennies.