Le bras de fer est engagé entre les putschistes au Niger et leurs voisins ainsi que les alliés occidentaux de ce pays parmi les plus pauvres d'Afrique. Quatre jours après que des militaires ont annoncé avoir renversé et séquestré le président Mohamed Bazoum, les quinze Etats membres de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) se sont réunis en sommet spécial à Abuja, dimanche.

Ils ont ordonné dimanche un blocus écomomique du Niger, décidant la suspension «immédiate» de »toutes les transactions commerciales et financières» avec ce pays et fixé un ultimatum d'une semaine à la junte pour restaurer l'ordre constitutionnel. Ils ont affirmé ne pas exclure un «recours à la force», une déclaration rarissime de la part de la Cédéo qui montre le sérieux avec lequel est pris ce coup d'Etat, qui fait désormais peser un risque d'engrenage dans la région.

L'Union africaine (UA) a, pour sa part, donné quinze jours aux militaires pour rétablir « l'autorité constitutionnelle », sans autre précision sur des sanctions à venir.

De son côté, la France a annoncé samedi, à l'issue d'un conseil de Défense présidé par Emmanuel Macron, la suspension, avec effet immédiat, de toute coopération économique et sécuritaire , ainsi que de toute aide au développement. Tandis que le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, mettait en garde sur le péril que ce coup d'Etat faisait courir au partenariat entre le Niger et son pays.

Manifestation devant l'ambassade de France à Niamey

L'Union européenne « ne reconnaît pas et ne reconnaîtra pas les autorités issues du putsch », a déclaré pour sa part le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell. Toute aide budgétaire et coopération est suspendue sine die avec effet immédiat, a-t-il précisé.

Mais les sanctions économiques et diplomatiques africaines ou occidentales n'ont jamais convaincu des putschistes de la région de renoncer. Le Niger compte d'ailleurs parmi ses voisins des pays assez anti-occidentaux, ou dirigés par des militaires, Algérie, Mali et Burkina Faso.

Un calme relatif régnait ce dimanche dans les rues de Niamey, où les habitants ont repris leurs activités et où les militaires sont déployés en nombre. La junte, qui compte des représentants de l'armée, la gendarmerie et la police, a suspendu les institutions, fermé les frontières terrestres et aériennes, et instauré un couvre-feu de minuit à 5 heures du matin. Des milliers de manifestants ont soutenu le putsch et menacé l'ambassade de France, dimanche, avant d'être dispersés par les militaires. Paris a fait savoir qu'elle réagirait de manière immédiate et intraitable si ses ressortissants, ou ses intérêts étaient menacés.

Le général Tchiani, proche du président précédent, Mahamadou Issoufou, qui l'avait nommé à la tête de la garde présidentielle en 2011, a justifié le coup d'Etat par les échecs du régime face aux djihadistes d'Al Qaida, ou de Boko Haram.

Probable clap de fin pour les soldats français et américains

Niamey était, jusqu'ici, un allié clé de Paris et Washington dans la lutte contre les djihadistes du Sahel. Près de 1.500 soldats français sont déployés sur ce qui était juste une base de transit pour les opérations au Mali, avant que la force Barkhane ne s'en retire l'an dernier , sur ordre de la junte locale. Et 1.000 Américains servent sur la principale base de drones de leur pays en Afrique, à Agadez.

Si le chef de la junte a promis d'honorer les engagements internationaux du pays et a demandé aux « partenaires appréciés » de son pays, « la France et les Etats-Unis », de lui faire confiance, la question du maintien des contingents français et américain se pose forcément. Ne serait-ce que parce qu'ils devraient opérer en bonne intelligence avec des militaires d'un régime jugé illégitime et sanctionné par Paris et Washington.

Pas de traces visibles de Wagner

Rien n'indiquait une implication dans le coup d'Etat, ni même la présence dans le pays de mercenaires russes du groupe Wagner, même si l'éviction de Paris et Washington de la région serait un rêve pour Moscou.

En plein coeur du Sahel, bande désertique barrant le continent africain au sud du Sahara, le Niger est l'un des pays les plus pauvres au monde. Il dispose de peu de ressources, hormis des gisements d'uranium dont il est le quatrième producteur mondial, avec 6 % du total. En raison d'une fécondité sans équivalent au monde, de 6,7 enfants par femme, sa population, aujourd'hui de 21 millions, devrait atteindre 100 millions à la fin du siècle .

Le Niger est le troisième pays du Sahel à connaître un coup d'Etat depuis 2020 après l'arrivée au pouvoir des militaires au Mali et au Burkina Faso. On peut désormais se rendre de l'Océan Atlantique à la mer Rouge sans traverser un seul pays à régime civil.