3363-La justice va-t-elle stopper le chantier de l’A69 ? 2 posts
La justice va-t-elle stopper le chantier de l’A69 : retour vers le futur
Faudra-t-il tout arrêter à un an de la fin du chantier de l’A69, ce petit bout d’autoroute qui déchaîne les passions ? Rien n’est moins sûr à la veille de la décision du tribunal administratif de Toulouse, qui pourrait annuler l’autorisation environnementale délivrée par l’État en mars 2023. Au centre de la Ville rose, où la notion d’enclavement n’est pas forcément la même que dans le Tarn rural, le rapporteur public a considéré "qu’il n’y avait pas de raison impérative d’intérêt public majeur" qui justifie la destruction d’espèces protégées.
Le magistrat suivra-t-il les conclusions de son rapporteur ? Il devra en tout cas évaluer avec soin les répercussions de son jugement, alors que les travaux sont très avancés. La totalité du terrassement a été réalisée et la plupart des ouvrages d’art achevés sur un chantier qui emploie un millier de personnes. Trois cents millions d’euros ont déjà été investis, et, en cas d’abandon du projet, l’État pourrait dédommager le concessionnaire Atosca de deux milliards d’euros. Si la gabegie est un mal français, jamais le contribuable n’aura payé si cher pour une infrastructure fantôme.
Toute autre décision que favorable serait une déroute pour l’autoroute, longtemps présentée comme le serpent de mer des projets routiers d’Occitanie. Depuis près de quarante ans, les habitants du Tarn attendent cette liaison rapide entre Castres et la capitale d’Occitanie. Quoi qu’en disent les agités de la procédure, l’A69 bénéficie d’un large soutien de la population locale, dont l’impatience grandit. "N’importe qui s’étant rendu par la route de Toulouse à Castres comprend l’intérêt public majeur de relier ce bassin de vie du sud du Tarn à la métropole régionale", s’est agacé le président régional de la chambre de commerce et d’industrie, Jean-François Rezeau, alors que cinq cents élus locaux ont signé une tribune rappelant que "l’A69 a un intérêt vital". Quant au premier défenseur de l’autoroute, le groupe pharmaceutique Pierre-Fabre, il menace même de remettre en question ses plans de développement, à l’heure où six cents salariés doivent investir un bâtiment de 10 000 m² à Castres.
Quelle que soit la décision finale, les opposants peuvent déjà considérer l’avis du tribunal administratif comme un encouragement à aller occuper les prétoires plutôt que les arbres. Leur action en justice est plus efficace que les manifestations, les ZAD ou les actes de sabotage. Cependant, elle menace tous les grands projets, comme la ligne à grande vitesse Toulouse-Bordeaux, désormais exposés à l’arbitraire administratif. Qui sait si des fanatiques n’iront pas réclamer demain la destruction du périphérique parisien ou du Pont de l’île de Ré au nom de la protection des écosystèmes… Retourner dans le passé pour changer le présent : en adoptant la stratégie « Retour vers le futur », la réalité est en train de rattraper la fiction.