Budget : la discussion se tend entre le gouvernement et les socialistes
A quatre jours d'une commission mixte paritaire décisive, le gouvernement cherche toujours un accord avec le parti socialiste, qui estime que le compte n'y est pas. A la clé, le vote d'une probable motion de censure la première semaine de février.
Par Grégoire Poussielgue, Hadrien Valat LES ECHOS
« Aucun accord en vue » pour le moment
De leur côté, les socialistes ne cachent pas leur impatience et font monter la pression au maximum. Jeudi 16 janvier, ils étaient 8 députés PS à voter la censure. Il en faudrait à peine une quinzaine de plus, pour qu'une motion, soutenue par le reste de la gauche mais aussi par le RN et ses alliés ciottistes, soit adoptée à l'occasion de l'examen du budget. Autant dire que le gouvernement n'a pas intérêt à perdre l'oreille, jusque-là attentive, de la majorité des élus socialistes, alors même que certains d'entre eux s'organisent en interne pour renverser la vapeur et sanctionner le gouvernement avec le reste du Nouveau Front populaire. La France Insoumise ne lâche pas la pression sur ses (ex)-alliés socialistes pour les inciter à censurer. Le PS ne sera plus dans l'opposition mais dans un « soutien sans participation » au gouvernement s'il ne vote pas la censure, a prévenu sur LCI Manuel Bompard, le coordinateur national de LFI, tout en les menaçant de représailles électorales.Des engagements non respectés
« L'arme atomique » est toujours pointée sur Matignon, avertit un autre négociateur socialiste. Car la discussion « se tend », notamment concernant « les coups de rabot » promis par le texte sorti du Sénat. La lettre de François Bayrou, listant noir sur blanc les compromis trouvés avec les socialistes, avait permis de les convaincre de ne pas voter la censure après la déclaration de politique générale. Mais « une partie des engagements dans cette lettre n'ont pas été respectés au moment où nous nous parlons », regrette Philippe Brun. Qui pointe notamment la décision du Sénat, contrôlé par la droite, de remettre sur la table la suppression des 4.000 postes d'enseignants, pourtant enterrée par l'exécutif sous la pression de la gauche. Ou l'abandon des trois jours de carence, remplacé par « 90 % seulement de prise en charge des arrêts maladie », dénonce le député normand.Les socialistes veulent « davantage » que les promesses inscrites dans la missive de François Bayrou. Sur les services publics et aussi sur le pouvoir d'achat.« On sent que le socle commun est loin d'être uni. Il y a un engagement du Premier ministre et derrière on a des Républicains qui ne jouent pas le jeu », pointe l'autre émissaire PS. Il attend donc toujours « des signes forts du gouvernement. Notamment sur la contribution différentielle sur les hauts patrimoines ». « Certes ça a été annoncé, c'est une bonne chose. Maintenant il nous faut un engagement écrit du Premier ministre avec un calendrier », demande-t-il.La version du budget adoptée jeudi par le Sénat doit être adoucie pour devenir « le budget de compromis » souhaité par le gouvernement, a affirmé dimanche la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin. En gage à la gauche, elle a déclaré qu'il fallait inclure dans le budget « les 4.000 postes d'enseignants » que le projet initial devait supprimer, tout comme « les 500 personnes de plus pour France Travail pour accompagner les demandeurs du RSA », ou « l'augmentation de l'Ondam » - les dépenses de soins -, à hauteur « d'un ou deux milliards pour l'hôpital ».La ministre a insisté aussi sur « les choses importantes en matière de justice fiscale » que le gouvernement a en projet, pesant sur les plus aisés. Selon elle, « le compromis n'empêchera pas, évidemment, le PS d'être dans l'opposition », mais « on peut être dans l'opposition sans censurer, sans tout bloquer ».
La carte de la dramatisation
Mais les socialistes veulent « davantage » que les promesses inscrites dans la missive de François Bayrou. Sur les services publics et aussi sur le pouvoir d'achat : « On a des propositions soit pour l'augmentation du SMIC, soit pour l'augmentation de la prime d'activité », a déroulé Philippe Brun. Le PS dénonce aussi les prises de position du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. En apportant son soutien au collectif féministe d'extrême droite Némésis (avant de rétropédaler) ou en signant une nouvelle circulaire durcissant les règles de régularisation des sans-papiers, il braque un peu plus les membres du parti à la rose.L'exécutif met la pression sur les socialistes, jouant, une fois de plus, la carte de la dramatisation en cas d'absence de budget voté. « Je suis inquiète de cette censure qui coûte 100 millions d'euros chaque jour », a estimé Amélie de Montchalin. Mais il n'est pas certain que ce soit suffisant pour les convaincre.Grégoire Poussielgue et Hadrien Valat