Gouvernement : l'appel de Pascal Canfin à « créer des ponts » avec le Nouveau Front populaire
Le député européen Renew, réélu en juin, propose une méthode pour tenter de sortir du blocage et « enclencher un esprit de coalition ». Il estime que c'est au NFP de « tendre la main […] pour chercher une majorité ». Un message qui s'adresse autant à la gauche qu'à Emmanuel Macron.
Par Isabelle FICEK Les Echos
Avec la trêve olympique, Emmanuel Macron a décrété la trêve politique . Cela n'empêche évidemment pas les différentes forces politiques de turbuler pour la suite. Dans le camp présidentiel, voilà le député européen Renew Pascal Canfin qui sort du silence dans un entretien au « Monde » daté du 30 juillet. Réputé pour dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, Pascal Canfin estime cette trêve de « bon sens », défis « sécuritaires » des JO obligent, mais il souligne aussi, comme avant lui Bruno Le Maire devant le bureau exécutif de Renaissance, qu' « avoir un nouveau gouvernement rapidement est fondamental ».
Surtout, le député européen invite les partis politiques français à prendre exemple sur ce que fait le Parlement européen - des coalitions - , en livrant son « discours de la méthode » sur le sujet, alors que le système politique français actuel est étranger cette culture.
Un interlocuteur
Le chef de l'Etat n'a pas donné suite à la candidature de la haute fonctionnaire Lucie Castets pour le Nouveau Front populaire , mais Pascal Canfin, citant le NFP, rappelle que dans les démocraties européennes ayant une culture de coalition, « le premier groupe arrivé en tête des élections doit prouver qu'il est capable de trouver une majorité à l'Assemblée. » Un message à destination tant du NFP que du chef de l'Etat. L'eurodéputé note d'ailleurs que c'est au NFP, qui « n'a pas de majorité seul », « de tendre la main à d'autres groupes politiques pour chercher une majorité ». Pour que ce processus s'enclenche, peut-être fallait-il, feint-il de s'interroger comme en regret, « passer par la nomination d'une candidate Première ministre de la part du NFP pour qu'il y ait un interlocuteur ? » En attendant, il invite à « créer des ponts et non ériger des murs avec le NFP pour que les discussions puissent formellement commencer. »
Interrogé sur les signaux du camp présidentiel vers la droite - avec l'entente pour les postes à l'Assemblée entre Gabriel Attal et Laurent Wauquiez notamment -, Pascal Canfin assure que nombre de députés EPR ne souhaitent pas d' « une coalition exclusive avec LR », elle aussi sans majorité seule et qui ne tiendrait, souligne-t-il, qu'avec le « soutien tacite du RN ». Soit « le contraire de l'esprit de front républicain ». Surtout, si le pacte législatif proposé par Laurent Wauquiez a été jugé positivement à l'Elysée, il est vu aussi, par une partie du groupe, notamment sur son volet régalien, comme « un programme très à droite qui ne correspond pas au point d'équilibre d'Ensemble », selon Pascal Canfin.
S'entendre « sur une dizaine de points »
Et d'appeler à ce que tout le monde, y compris le NFP, tende la main pour que les discussions commencent pendant la trêve olympique, sur « une dizaine de points » qui ne seraient « pas la totalité du programme NFP », propose-t-il. Quant à la participation au gouvernement de personnalités LFI, Pascal Canfin tente de répondre autrement à cette question, en se demandant si les Verts et les socialistes sont « capables de faire vivre autre chose » que la posture de Jean-Luc Mélenchon au soir du second tour des législatives.
« Il faut parler à la droite et à la gauche républicaines », appuie le député EPR Marc Ferracci, vice-président du groupe à l'Assemblée, qui planche sur le « pacte de coalition » du camp présidentiel . Mais, prévient-il, « il faut que la gauche de gouvernement s'émancipe une bonne fois pour toutes de Mélenchon, ce qui n'est pas gagné compte tenu des enjeux électoraux à venir. La question est de savoir s'ils privilégient leurs sièges à l'intérêt du pays. » Au sein de l'aile droite, Mathieu Lefèvre , proche de Gérald Darmanin - ce dernier a tressé les louanges ce lundi matin sur France 2 de Xavier Bertrand -, reconnaît qu'il « faut travailler avec la gauche de gouvernement » mais il assume aussi de « refuser de travailler par principe avec des gens avec qui nous avons une différence de nature, pas de degré, soit LFI et la plupart des Verts. »
Blocage
« Pascal Canfin a raison, mais je crains qu'il ne soit pas entendu car il semble qu'un accord LR EPR paraît acté, comme l'application du pacte législatif de Laurent Wauquiez », redoute un député de l'aile gauche, qui pointe « les appels mous et insincères d'une partie du camp présidentiel aux socialistes à se couper des Insoumis. » Rejetant l'idée d'un gouvernement dit technique, Pascal Canfin prévient que sans enclencher cet « esprit de coalition », pour l'instant peu perceptible, alors c'est le « blocage » qui menace le pays.
Isabelle Ficek