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L'annus horribilis des écologistes

Article de Par Michel Revol Le Point
 
Séance de « booty therapy » lors du premier meeting pour la campagne des européennes de Marie Toussaint (au centre), entourée de Marine Tondelier et Yannick Jadot, le 2 décembre 2023.© JULIEN DE ROSA / AFP
 

La prédiction semble se réaliser. Chez les écologistes, on n'aime pas les années en 4. Elles marquent toujours une déculottée électorale. Ce fut le cas aux européennes de 1984, 1994, 2004 et 2014. Il y a cinq ans, en revanche, Jadot décroche une jolie troisième place avec plus de 13 % des voix. Cette année (en 4, donc), le mistigri semble toujours dans les parages. Le 2 avril, Julien Bayou démissionne du parti, accusé par son ex-compagne de violences psychologiques et visé par une enquête de son propre parti qui s'apparente à une chasse à la sorcière (ou au sorcier, pour respecter l'égalité des sexes chère aux écologistes). Une nouvelle affaire de harcèlement, à quelques semaines du scrutin européen, voilà qui fait mauvais effet, surtout quand Sandrine Rousseau s'en mêle et relance les tensions internes.

La malédiction des années en 4 va-t-elle se réaliser le 9 juin, jour des élections européennes ? On en prend le chemin. Avec un résultat qui fluctue autour des 7 à 8 %, la liste emmenée par Marie Toussaint est mal partie. Dans son entourage, on la défend : il y a la guerre en Ukraine, la tête de file n'est pas encore bien connue, Jadot avait décollé dans les derniers jours de la campagne, et tout plein d'autres raisons pour expliquer qu'on va voir ce qu'on va voir. Ces explications ne convainquent pas tout le monde. « La tendance de Yannick Jadot en 2019 était haussière, alors que celle de Marie Toussaint est baissière, explique un hiérarque écolo. Et Yannick a toujours été devant les socialistes, et non derrière comme Marie Toussaint aujourd'hui ! »

 

Mais c'est surtout la stratégie décidée en haut lieu qui est montrée du doigt. D'abord, le choix de la tête de liste. Marie Toussaint n'est sans doute pas à accabler. Elle est méconnue, et fait ce qu'elle peut pour surnager. Mais la direction ne voulait justement pas une personnalité trop célèbre. « Chez les écolos, ce n'est pas la personne qui compte, mais la marque et les idées », dit un membre éminent du parti. Or, lorsque la marque n'imprime plus, ou mal, celui ou celle qui la défend devrait être connu et reconnu?

 

Ensuite, les alliances. En fin d'année dernière, la direction refuse toutes les mains tendues, qu'approuvait pourtant Marie Toussaint. La direction ferme la porte à LFI, qui propose de confier la tête d'une liste commune à une écologiste, ainsi qu'à Olivier Faure, le patron des socialistes, porteur d'une offre similaire. L'équipe dirigeante des écolos veut rester entre soi. Le parti pense arriver en tête seul le soir du 9 juin, et espère éviter le départ inévitable de militants s'il s'alliait aux insoumis ou aux socialistes. 

 

De la même manière, la direction des Ecologistes garde à distance les leaders d'autres partis verts, comme Corinne Lepage ou Delphine Batho. Rester entre écolos purs et durs, pense la direction, c'est le meilleur moyen de garder la main sur l'appareil. « Le seul intérêt des dirigeants, c'est de gérer leur petite boutique et de se partager les postes », dénonce l'ancien membre d'EE-LV et président de l'Assemblée nationale François de Rugy.

 

Mais l'appareil se recroqueville sur lui-même ; le discours aussi. « On pense que les gens à qui on s'adresse nous ressemblent, qu'ils sont nous-mêmes. On se trompe ! », décrypte un écolo. Les classes populaires sont méprisées, à l'inverse d'un électorat aisé et urbain. La campagne part donc de travers. L'ésotérisme supplante l'écologie. Le 2 décembre, Marie Toussaint tient son premier meeting. L'affiche est belle, sans conteste, comme tout ce qui est désormais produit par les écolos pour attirer le chaland habitué aux campagnes de pub des beaux magazines. Mais les mots et l'image ratent leur cible. On y voit Marie Toussaint les yeux baissés, surmontée d'un slogan elliptique, « Pulsations ». L'affiche frappe les esprits, mais baisser le regard n'est sans doute pas le meilleur moyen de partir au combat électoral. « On dirait une pub pour un stage de méditation animé par un quatuor à cordes ! », raille un gradé écolo.

Tout est lié, l'exploitation du corps des femmes et celle des ressources naturelles Alain Coulombel

De même, fait-on avancer la cause de la planète en obligeant, au premier rang, Yannick Jadot à lever sa hanche et lancer six fois sa cuisse en l'air lors d'une séance désormais fameuse de « booty therapy » ? Touche-t-on les esprits en invoquant, comme le fait sur scène et en t-shirt le maire de Grenoble Eric Piolle, la « cosmologie » et les « peuples premiers » ? « On représente la caricature que les anti-écolos aimeraient voir », s'offusque un opposant de la direction. 

Dans l'entourage de Marine Tondelier, on ne comprend pas trop les critiques. Les écologistes ont toujours défendu une multitude de causes, des femmes aux « racisés » en passant par les personnes transgenres. « C'est notre histoire, explique Alain Coulombel, l'un des dirigeants des Ecologistes. Il est naturel pour nous de défendre les luttes intersectionnelles, car tout est lié, l'exploitation du corps des femmes, des travailleurs, des ressources naturelles. Il faut combattre toutes les formes d'exploitation ». Coulombel approuve donc le choix de Marie Toussaint : promouvoir, à côté de la défense de la planète, « la fragilité du vivant », donc la douceur et la bienveillance. Et peu importe que ces mots doux heurtent les actions coups de poing, comme dans un Monoprix parisien ou un Carrefour lyonnais, où Marie Toussaint et son colistier à moustache Benoît Biteau dénoncent à grand bruit les polluants dans les produits ou les marges de la grande distribution.

 

Comme si les écologistes avaient peur de se faire déborder par les activistes, ils adoubent la violence, jusqu'à la désobéissance civile. A Sainte-Soline, l'an dernier, certains élus écolos assistent aux violences aux abords des méga-bassines de Sainte-Soline, ceints de leur écharpe tricolore. Les agriculteurs ou les ouvriers n'y comprennent plus grand-chose, qu'importe. « Les écologistes confondent leur parti avec une ONG ! » raille François de Rugy. L'ex-président de l'Assemblée ne comprend toujours pas comment son ancien parti a pu maintenir, en août, l'invitation lancée au rappeur Médine, pourtant auteur d'un tweet suintant l'antisémitisme quelques jours plus tôt. « Les militants l'ont applaudi, rendez-vous compte où on en est !, s'offusque Rugy. Le RN arrondit les angles pour accéder au pouvoir, alors que les écolos en rajoutent. Ils sont lancés dans une course à la radicalité parce qu'ils n'ont aucune stratégie ! ». Comme un signe de leur désapprobation, les maires écologistes tel Pierre Hurmic, l'édile de Bordeaux, ne participent pas à la campagne, ou de loin. Ils préfèrent agir dans leur ville, alors que la campagne de Marie Toussaint leur semble déconnectée de la réalité. Seul le maire de Grenoble, Eric Piolle, a donné de sa personne. Il est aussi le seul à avoir brigué, en 2021, la candidature du parti à la présidentielle...

 

Il y a quelques jours, Marie Toussaint est pourtant revenue au coeur du combat écologiste. La tête de liste des écolos participe le 28 mars à une sorte de happening devant la tour de TotalEnergies, à la Défense. Une quinzaine de militants vêtus de noir et, en dessous, de vert, entame une sorte de chorégraphie de sémaphores avec, en fond sonore, une musique solennelle. Sortie des haut-parleurs, une voix grave évoque l'urgence climatique, la responsabilité des énergéticiens, l'espoir malgré tout? L'objectif de cet « artivisme » ? contraction des mots « art » et « activisme » ? est de promouvoir la création d'un fonds, piloté par la Banque européenne d'investissement, qui deviendrait majoritaire au capital des énergéticiens pour verdir leur production. Mais, ce 28 mars, le vent souffle fort et la sono crachotte. On se précipite sur le site web de la campagne pour en savoir plus, mais il est en panne. Quand ça veut pas?



05/04/2024
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