C’est un document exceptionnel que publie le journaliste algérien Farid Alilat, expulsé de son propre pays il y a un an. Dans Un crime d’Etat (Plon), cet enquêteur chevronné, déjà auteur d’une biographie très informée de Bouteflika, fait des révélations fracassantes sur l’assassinat de Krim Belkacem, en octobre 1970, dans la chambre 1414 de l’hôtel Intercontinental de Francfort. Opposant au régime, celui-ci incarnait une Algérie démocratique et libérale. Farid Alilat s’appuie sur les archives inédites de la police et de la justice allemandes pour briser l’omerta autour de cette affaire que les hiérarques algériens sont parvenus à étouffer jusqu’à aujourd’hui. Un livre édifiant.
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Assassinat de Krim Belkacem : révélations sur un "crime d’Etat" qui hante l’Algérie
Enquête. Dans un livre, le journaliste Farid Alilat révèle comment l’un des chefs historiques du FLN et négociateur des accords d’Evian a été tué en 1970 dans un hôtel de Francfort sur ordre du pouvoir algérien.

Le chef de la délégation algérienne, Krim Belkacem, à Genève, en juin 1961.
©Raymond Depardon/ Magnum Photos
L’Express : Vous êtes né dans l’Algérie indépendante. Que représentait pour vous Krim Belkacem ?
Farid Alilat : Comme beaucoup d’Algériens, Krim Belkacem symbolise la lutte contre le colonialisme, le sacrifice pour une Algérie indépendante, une république démocratique, plurielle et multiculturelle. Krim Belkacem comme Mohamed Boudiaf, Larbi Ben M’Hidi ou encore Hocine Aït Ahmed sont des icônes de cette révolution qui mit un terme à cent trente-deux ans de présence française en Algérie. Dans les manuels scolaires, dans le récit national officiel, on enseigne peu de choses sur ces hommes élevés au rang de mythes intouchables.
Quelle était la thèse la plus répandue en Algérie sur sa mort ?
Selon la thèse officielle, Krim Belkacem est mort assassiné en Allemagne. Elle s’arrête ici, cette thèse. On ne dit pas comment il a été tué, par qui, pour quelles raisons, encore moins désigne-t-on le ou les commanditaires. Il n’y a jamais eu d’enquête en Algérie pour faire la vérité sur ce crime d’Etat. Certains pensent qu’il a été tué par la redoutable sécurité militaire, d’autres qu’il a été liquidé par le président Houari Boumediene alors que certains croient qu’il a fait l’objet d’un règlement de comptes mafieux. Toujours est-il que les Algériens ont été tenus dans le secret de ce crime politique, y compris la propre famille de Krim Belkacem.
Qui était-il ?
Fils d’un notable de Kabylie, il a pris le maquis en 1947 pour s’opposer à l’ordre colonial. A 25 ans, il dirigeait déjà quelques centaines de combattants dans les massifs de la Kabylie. Membre fondateur du FLN, il est l’un des neuf "fils de la Toussaint" qui ont déclenché l’insurrection de 1954. Il a été ministre des Forces armées, de l’Intérieur, chef de la diplomatie, vice-président du GPRA [NDLR : Gouvernement provisoire de la République algérienne],
