4132-Justice, colère: ces mots paralysent la France plus qu’une grève 4 posts
Justice, colère: ces mots paralysent la France plus qu’une grève

Combien seront-ils ce jeudi à crier leur « colère » et à réclamer « justice » contre le futur budget censé nous sauver du poison de la dette ? A l’appel de l’intersyndicale, 250 manifestations vont bloquer la France. Mais ce sont ces mots-valises, scandés en boucles, qui paralysent notre capacité au sursaut.
La justice fiscale ? Avec le fétiche de la taxe Zucman, elle sature le débat depuis des semaines, comme si le pays le plus taxé et le plus redistributif d’Europe souffrait avant toute autre chose d’un manque de prélèvements ! En 2012, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait déjà utilisé cette expression magique pour justifier un choc fiscal de 50 milliards d’euros : qu’en reste-t-il pour les plus démunis ? Les années passent, pas la manœuvre consistant à stigmatiser les ultrariches pour mieux dissimuler les ravages de l'échec scolaire, le scandale de l’immobilité sociale ou les lâchetés budgétaires...
La colère ? Elle peut révéler une exaspération face à l’impuissance politique. Mise à toutes les sauces, elle traduit cependant plus souvent une défense d’acquis catégoriels, instrumentalisée par les ingénieurs du chaos sous couvert d'« intérêt national ». Personne ne saurait proclamer son indifférence à la nation, bien sûr. Sauf que le terme, un temps sacré mais désormais creux, n’est que l’outil d’une tactique éculée visant, au nom du bien de tous, à garantir une irresponsabilité sans limite pour chacun. Associée aux réseaux sociaux, la rage attisée crée polarisation et fractures à seules fins électoralistes.
Les mots ainsi idéologisés n’ambitionnent pas de décrire une réalité ; ils créent une atmosphère de révolte, un monde misérabiliste dans lequel l'émotion prime sur la raison, les boucs émissaires sur le nécessaire. Cette « doublepensée », inventée par Orwell, permet par la falsification de laisser prospérer le déni.