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Guerre en Ukraine : la métamorphose d’Olaf Scholz

  • par Pascale Hugues, correspondante en Allemagne pour Le Point - janvier 2024
Très réticent à livrer des armes au début de l’agression russe contre l’Ukraine, le chancelier allemand fait pression sur ses partenaires européens pour qu’ils redoublent d’efforts militaires et financiers.
 
Olaf Scholz est méconnaissable. Lui à qui on reprochait son manque d'engagement, son indécision, sa lâcheté même. Lui qui, au tout début de l'agression russe contre l'Ukraine, hésitait à livrer des armes à Kiev répète, deux ans plus tard, à qui veut l'entendre, qu'il faut à tout prix renforcer l'aide militaire à Volodymyr Zelensky. Il exige de ses partenaires de l'Union européenne qu'ils intensifient leur soutien à l'Ukraine pour assurer à long terme la sécurité du pays.
 
«L'Ukraine, rappelle-t-il dans une longue interview accordée à l'hebdomadaire Die Zeit, doit être en mesure de défendre son territoire et cela ne doit pas échouer en raison d'un manque de défense aérienne, d'artillerie, de chars ou de munitions. Je suis convaincu que l'Europe doit en faire davantage.» Pour Olaf Scholz, les contributions prévues jusqu'à présent par les pays de l'UE ne sont pas suffisantes.
 
Le chancelier allemand propose donc la signature d'un «accord de sécurité» avec l'Ukraine destiné à cimenter la solidarité et à assurer l'approvisionnement militaire à long terme. Cet accord prévoirait une coopération militaire tous azimuts, la livraison d'armes et une aide pour assurer la protection des infrastructures stratégiques. La coopération concernerait aussi la cybersécurité et la lutte contre la désinformation. Berlin s'engage également à maintenir les sanctions contre la Russie et à fournir une aide pour la reconstruction du pays après la guerre. Le gouvernement allemand veut organiser une conférence sur ce sujet au mois de juin.
 
L'Allemagne refuse d'être le plus gros pilier de l'aide à l'Ukraine
«Notre détermination à agir doit être claire, martèle-t-il. Car cette guerre, qui se déchaîne depuis presque deux ans, constitue le principal défi sécuritaire de l'Europe.» Olaf Scholz a souvent rappelé au cours des derniers mois que l'Allemagne est le pays européen qui apporte le plus grand soutien à l'Ukraine. «Nous en faisons plus que les autres pays de l'UE. Beaucoup plus. À l'heure actuelle, l'Allemagne fournit plus de la moitié de l'aide européenne en armements pour assurer la défense de l'Ukraine. Il serait orgueilleux de penser que nous puissions continuer ainsi à long terme. Ce ne serait pas une bonne nouvelle si l'Allemagne, au cas où les États-Unis cessaient leur soutien, devenait le plus grand allié de l'Ukraine. Helmut Schmidt l'a dit avant moi : nous ne sommes qu'une puissance moyenne.»
 
L'Allemagne a en effet doublé son aide militaire à l'Ukraine malgré la crise budgétaire qu'elle traverse. Sept milliards d'euros pour 2024. Après les États-Unis, l'Allemagne est le pays qui accorde le plus grand soutien à l'Ukraine. En outre, des dizaines de milliers de réfugiés vivant en Allemagne bénéficient pleinement du système de protection sociale.
Olaf Scholz rencontrera Joe Biden le 9 février à la Maison-Blanche
 
Alors que, partout dans le monde, la volonté d'aider l'Ukraine vacille, et en prévision d'un retour de Donald Trump à la Maison-Blanche de moins en moins improbable, le chancelier allemand est en train d'endosser un nouveau rôle : il veut prendre la tête d'une coalition de pays déterminés à protéger l'Ukraine. C'est pour cela qu'il se rendra à Washington le 9 février pour rencontrer Joe Biden.
 
Olaf Scholz continue cependant à s'opposer à la livraison de missiles Taurus de fabrication allemande à Volodymyr Zelensky, qui ne cesse de les lui réclamer. Il propose en revanche de faire appel à un «système de carrousel» : l'Allemagne livrera ses Taurus à la Grande-Bretagne et sans doute aussi à la France, qui s'engageront en échange à fournir leurs propres missiles de type Storm Shadow et Scalp à Kiev. Capables d'atteindre leur cible à plus de 500 kilomètres de distance, les missiles Taurus ont une portée deux fois plus grande que les Storm Shadows. Leur système de navigation est plus performant. Le Bundestag, le Parlement allemand, vient d'ailleurs de se prononcer contre l'envoi de Taurus, des missiles de longue portée qui seraient en mesure d'atteindre le territoire russe et de placer l'Allemagne dans une position très délicate.
 
Les Allemands de moins en moins chauds
Olaf Scholz a sans doute en tête les récents sondages qui, tous, arrivent à la même conclusion : la solidarité de la population allemande a ses limites. Selon un sondage dimap réalisé au tout début de l'année pour l'ARD, la chaîne de télévision publique, les avis sur la livraison d'armes et sur l'aide financière sont très partagés. 36 % des Allemands estiment que l'aide militaire à l'Ukraine va trop loin, 35 % pensent qu'elle est correcte et 21 % qu'il faudrait l'augmenter.
En ce qui concerne l'aide financière, l'opinion publique est beaucoup moins enthousiaste qu'au début de la guerre. 41 % des Allemands trouvent aujourd'hui que Berlin verse trop d'argent à Kiev (moins 21 % par rapport à la fin avril 2022), 40 % estiment que cet effort est justifié (moins 19 %) et 12 % seulement pensent que leur pays n'en fait pas assez.
Sur les tracteurs qui défilaient il y a dix jours dans les rues des grandes villes allemandes, on pouvait voir des pancartes dénonçant la part de budget accordée à l'Ukraine alors que les subventions aux agriculteurs allaient être supprimées. Des réticences dont Olaf Scholz devra tenir compte.�


10/02/2024
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