DECRYPTAGE. Législatives 2024 : grande coalition, majorité au centre, sans la gauche… tous les scénarios pour tenter d’éviter le blocage
Deux jours après le verdict des élections législatives, la situation reste toujours aussi incertaine. La gauche refuse toute coalition avec le centre. Or le nombre d’élus qu’elle a obtenu dimanche est loin de pouvoir atteindre la majorité absolue, loin même de la majorité relative qui a permis aux macronistes de gouverner à vue durant trois ans… Petit inventaire des scénarios imaginables pour sortir du blocage.
Le nom d’un Premier ministre serait-il l’arbre qui cache la forêt ? Derrière les tractations pour savoir qui de Jean-Luc Mélenchon ou de Marine Tondelier (ou d’un autre…) s’installera à Matignon se dessine une question plus cruciale : avec quelle majorité gouverner ? Car le constat est sans appel : à lui seul, le bloc de gauche même allié aux députés ultramarins ne réunit que 193 députés.
Dans ces conditions, faire voter des textes va s’avérer compliqué : en face en effet, les macronistes sont presque aussi nombreux avec 165 élus qui peuvent aisément s’allier aux 55 LR pour contrer des réformes jugées trop onéreuses. Dans cette configuration qui est pourtant aujourd’hui privilégiée, l’immobilisme est quasiment assuré. Certains leaders du NFP tentaient lundi de défendre l’idée d’une "majorité de projets", mais sans rien dire des textes en capacité d’emporter l’adhésion au-delà de leurs propres rangs. L’abolition de la réforme des retraites pourrait avoir le soutien du RN, mais cela ne sera pas le cas d’un projet de loi sur l’augmentation du Smic. De plus, cette nouvelle minorité vivra sous la menace d’une motion de censure. D’autres scénarios sont imaginables.
Tendre la main au centre
Le plus évident consiste pour le NFP à tendre la main au bloc central constitué par l’ex-majorité présidentielle. Il y aurait là une certaine cohérence puisque dimanche dernier, les électeurs de gauche ont accepté de voter pour Ensemble tout comme les électeurs d’Ensemble ont offert leurs voix à la gauche… Mais cette union ne peut s’envisager qu’en rompant avec LFI qui refuse de travailler avec les amis d’Emmanuel Macron, eux-mêmes s’opposant à une alliance avec les Insoumis. Unis avec d’ex-mélenchonistes (comme Clémentine Autain) et l’UDI au centre, qui est l’un des traditionnels soutiens de la majorité, Ensemble et le NFP compteraient 293 députés. Mais Olivier Faure semble fermer la porte à cette hypothèse qui est pourtant la seule à pouvoir assurer une (courte) majorité absolue.
Majorité contre-nature
Autre option à laquelle l’Élysée travaille : une majorité qui exclurait les groupes de gauche. Emmanuel Macron réfléchirait à une alliance avec LR qui passerait par la nomination de Gérald Darmanin à Matignon. Mais là encore, la majorité absolue est loin d’être acquise puisqu’une alliance Ensemble-LR-UDI-divers droite ne réunirait que 227 députés. De plus, dès dimanche soir, Laurent Wauquiez, qui sera l’homme fort du nouveau groupe LR, a exclu cette hypothèse en refusant de participer à des "tractations, des combinaisons, pour échafauder des majorités contre-nature". Bombant le torse, Olivier Marleix, le chef de file de la droite dans l’ancienne Assemblée, réclame Matignon pour l’un des siens.
Grande coalition
Dernière option fort peu probable mais que François Bayrou appelait hier de ces vœux : une coalition qui irait "de la gauche hors LFI jusqu’à la droite hors Rassemblement National", soit une alliance incluant le Parti socialiste et les LR "non-Ciottistes". Lundi, Yaël Braun-Pivet faisait le même souhait : une "grande coalition allant des LR aux écologistes et aux communistes". Ce scénario aurait l’avantage pour les macronistes de les replacer au centre du jeu politique. Ce qui, pour ces raisons mêmes, ne peut être envisagé par la gauche.
Même si les nominations restent dans les mains du préisdent de la République, le Nouveau Front populaire n’en démord pas et estime pouvoir – et devoir – gouverner seul. Depuis hier, les propositions baroques fusent, allant d’un gouvernement minoritaire imaginé par Jérôme Guedj à la très obscure coopérative politique proposée par François Ruffin. Rien, toutefois, qui permette de passer de 193 élus à 289.