3462-En prison, Boualem Sansal fait tomber les masques
En prison, Boualem Sansal fait tomber les masques
Les écrivains ne sont pas tous des saints, loin de là. Alors qu’on
commémore en ce lundi 27 janvier le 80e anniversaire de la
libération des camps nazis où furent gazés des millions de
Juifs mais aussi des Tziganes ou des « déviants », comment
ne pas rappeler que le talent et le style n’excusent pas l’infamie, celle
des tirades antisémites, suintantes d’aigreur, de Céline ou Brasillach,
appels au pogrom rédigés noir sur blanc ?
En février 1945, François Mauriac, pas seulement lui, plaida la cause
de Brasillach au prétexte qu’une tête pensante ne doit pas tomber.
De Gaulle refusa, répondant qu’un intellectuel est plus responsable
qu’un autre. Idem pour un élu du peuple.
Boualem Sansal ne réclame la mort de personne. Il est pourtant incarcéré
depuis la mi-novembre dans son pays d’origine, l’Algérie, où il
vivait toujours malgré la férocité de ses flèches envers les caïds d’un
régime en dérive autocratique et sa dénonciation, non moins virulente,
de l’islamisme. Sans haine, avec humour. Jeudi dernier, à une
très large majorité, le Parlement européen a demandé la libération
de l’écrivain, naturalisé français en 2024. Le groupe des Insoumis s’est
déshonoré en s’abstenant ou en votant contre.
Rima Hassan, qui, comme un mur, renvoie tout à sa cause palestinienne,
justifie son bulletin négatif en invoquant l’instrumentalisation
de Boualem Sansal par l’extrême droite. On connaît en effet sa politique
culturelle arbitraire dans les mairies qu’elle dirige et elle doit
trouver bien commode un Algérien hostile à l’islam.
Et alors ? Quand on requiert la liberté pour un écrivain qui
n’utilise aucune autre arme que sa plume, faut-il regarder la
signature du voisin ? En leur temps, des Français de gauche,
moins sectaires, exigèrent avec des anticommunistes la sortie
du goulag de Soljenitsyne, qui n’était pas progressiste
pour un rouble et dont le seul crime, avant
Sansal, était de pourfendre et déranger une dictature.
Ce n’est pas parce qu’il est âgé et malade que Sansal doit être libre,
même si ces circonstances aggravent l’iniquité de sa détention. Auraitil
40 ans et une santé d’acier, il n’a rien à faire dans une geôle, otage de
surcroît d’une crise diplomatique franco-algérienne. En s’agenouillant
devant un absolutisme qui pratique la fuite en avant, le parti mélenchoniste
a trahi la France de Cyrano, de Voltaire, des Lumières, de Zola
et de Camus. Boualem Sansal est cent fois plus insoumis que lui.
Éditorial Sud-Ouest Benoît Lasserre