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De quoi la crise agricole est-elle le nom ?

Opinion de Gil Rivière-Wekstein • 

 

De quoi la crise agricole est-elle le nom ?© Fournis par La Tribune
 

Il serait erroné de croire que cette crise agricole d'une ampleur inédite a commencé le 15 janvier à l'initiative de l'éleveur Jérôme Bayle avec le premier barrage de l'autoroute A64 au niveau de Carbonne (Haute-Garonne), et qu'elle pourrait se terminer par une réponse positive centrée sur quelques mesures sectorielles, aussi utiles soient-elles

Cela faisait en effet plusieurs mois que, partout en France, à l'instigation des fédérations locales de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, agriculteurs, céréaliers, éleveurs mettaient à l'envers des milliers de panneaux signalétiques des entrées de communes. Le symbole était clair : signifier que l'on « marche sur la tête ». Cette grogne agricole, que le gouvernement a totalement ignorée, ne se taira donc pas tant que les choses ne seront pas remises à l'endroit.

Un projet de société décroissante au détriment de l'acte de production

On marche en effet sur la tête depuis qu'une forme de défense de l'environnement, qui est trop souvent le cache-sexe d'un projet de société décroissante, s'est imposée comme priorité politique au détriment de l'acte de production, tant agricole qu'industriel, qui était il y a encore peu d'années considéré comme prioritaire pour la République. Aujourd'hui, le monde agricole vit dans sa chair cette inversion de priorité qui le met en péril. Ainsi, le fait même de produire - ce qui implique inévitablement de modifier son environnement - apparaît comme un crime de lèse-Nature, voire même un écocide en puissance. Et ceux qui le commettent sont pourchassés comme des criminels par cette nouvelle police de l'environnement qu'est l'Office français de la biodiversité (OFD). La placer simplement sous la tutelle du préfet, de façon permanente ou non, ne sera pas de nature à calmer la colère de ce mouvement.

 
 

Car, oui, on a bel et bien affaire à une contestation contre l'écologie politique et son projet sociétal décroissant, puisque c'est cette matrice culturelle écologiste qui a réussi à imprégner les autres forces politiques, de gauche comme de droite. Tout cela s'est ensuite traduit par de nombreux textes de loi, notamment dans le Code de l'environnement, comme la loi du 8 août 2016 sur la biodiversité qui s'est construite en opposition à l'activité humaine. Le principe de « non-régression », par exemple, interdit toutes mesures - quelque légitimes qu'elles soient - qui permettraient de revenir sur une loi de protection de l'environnement.

Changer de cap à 180° comme pour le nucléaire

Contrairement à ce que pensent encore certains, « simplifier » ou répondre à quelques revendications ne signifie pas « changer de logiciel », comme l'a pourtant promis le Premier ministre Gabriel Attal dans son discours de politique générale à l'Assemblée nationale, le 30 janvier. Pour « réarmer la France » et pour combattre l'idéologie écologiste et son projet de société décroissante, lequel signerait en effet « la fin de notre modèle social », il sera nécessaire de prendre des mesures autrement plus sérieuses qu'une simple réécriture de la loi Egalim. Il faudra rompre avec ce paradigme écologiste qui s'est imposé depuis plusieurs décennies, dans le domaine agricole et industriel. Autrement dit, reproduire ce qu'a déjà su faire le président Emmanuel Macron avec l'énergie nucléaire, en assumant un changement de cap à 180°. Cela n'implique pas, bien entendu, de renoncer à prendre soin de la nature, ni à améliorer notre environnement et diminuer les impacts négatifs de nos activités.

 

Si le gouvernement est réellement conséquent dans sa volonté de remettre l'acte de production en haut de l'agenda politique, trois mesures phares s'imposent à lui.

 

La première consiste à affirmer clairement son opposition non seulement aux politiques écologistes décroissantes, mais aussi au Green Deal, lui aussi aux relents décroissants, de la Commission européenne, et qui doit absolument faire l'objet d'une révision. Cela sera d'autant plus facile que ledit projet est porté par une Commission en fin de mandat, avec un commissaire de l'Environnement promoteur du Green Deal qui a déjà quitté le navire.

La deuxième mesure pourrait s'illustrer par la mise en place d'indicateurs quantitatifs de production, secteur par secteur, filière par filière. Il s'agit ici de traduire le discours autour de la souveraineté alimentaire par des objectifs concrets, sur un horizon à long terme, à ne surtout pas confondre avec des quotas. De tels objectifs ont bien été déjà assignés dans d'autres domaines, notamment pour le climat ou encore pour la production énergétique. Ils s'imposent également pour le monde agricole afin de fixer un cap clair et une visibilité.

Le besoin d'un véritable nettoyage législatif

Enfin, la troisième mesure serait l'annonce d'un moratoire sur l'ensemble des lois environnementales, accompagné de la promesse d'une révision de celles déjà adoptées. Là aussi, il ne s'agit pas de jeter le bébé avec l'eau du bain, mais bien d'opérer un tri sélectif pour ne garder que ce qui n'interfère pas de façon inacceptable avec les objectifs de production fixés par la société. Plutôt que d'une simplification normative, ce dont la France a besoin, c'est d'un véritable nettoyage législatif. En agriculture, comme ailleurs, le terme de compétitivité ne doit plus être tabou, car c'est bien d'elle que dépendent pour l'essentiel les revenus de la Ferme France.

Comme le nucléaire, l'agriculture est encore aujourd'hui un atout formidable. Ne pas écouter le grondement des forces vives qui la portent serait une immense faute politique...



31/01/2024
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