ÉDITO. Classement de la chasse au patrimoine mondial : la nuit des chasseurs

    • Sébastien Marti.
      Sébastien Marti.
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    Pris pour cible de toutes parts, les chasseurs sont-ils une espèce en voie de disparition ? Les vigiles de la pensée, qui saturent l’espace médiatique avec leurs injonctions morales, les considèrent anachroniques, dépassés par les grands courants qui agitent actuellement la société. Des hommes blancs armés qui abattent des animaux pour remplir leur congélateur : c’est l’image outrancière qu’en donnent certains militants écologistes radicaux. Pour eux, assurément, les nemrods qui promènent leur chien et leur fusil tous les dimanches constituent les derniers barbares, quelque part entre les propriétaires de SUV et les consommateurs de viande rouge.

     

    Ainsi, la meute est lâchée : celui qui traque le gibier est devenu la proie. Acculée comme un cerf aux abois, la Fédération nationale de la chasse de Willy Schraen a répliqué par un manifeste adressé aux maires de France, une série de "onze commandements" qui cristallisent les tensions dans un contexte de fort ressentiment envers l’Europe : reconnaissance d’intérêt général, refus de l’interdiction d’utilisation du plomb, préservation de toutes les chasses traditionnelles, y compris à courre, permission de céder leur gibier, réduction des populations de loups, liberté de continuer à pratiquer le week-end, les vacances et les jours fériés, etc.

     

    Au crépuscule de leur activité, les chasseurs refusent de s’effacer progressivement dans la nuit des pratiques ancestrales. Leur manifeste n’exprime pas seulement des revendications catégorielles, mais aussi la crainte d’être enfermés dans une sorte de "réserve d’Indiens" dont les contours se resserrent, étranglés par les anathèmes militants et les normes administratives. Il faut ainsi le comprendre comme un cri du monde rural qui refuse d’être relégué au rôle de décor vert-pomme dans les fantasmes des colons urbains en quête de ruralité chic.

    Mais il faut aussi regarder les choses en face : les chasseurs dominicaux ne vivent pas hors du temps et doivent composer avec un voisinage plus dense, plus exigeant. La campagne n’appartient à personne, pas même à ceux qui la protègent. Elle est suffisamment grande pour être partagée : on doit pouvoir se promener dans les bois le dimanche sans se retrouver au milieu d’un champ de tir, ou vivre avec ses chats en lisière de forêt sans qu’un commando vienne sonner l’hallali sous les fenêtres.

     

    Pour l’instant, seul le dialogue peut réconcilier les Français et les chasseursDans le cas contraire — et c’est aussi ce que suggère le message adressé aux élus locaux — les amateurs de gibier seraient tentés, à un an des élections municipales, de s’aventurer dans le scrutin par une série d’actions de lobbying. Pour quel projet ? Pas plus que l’écologie de combat, la seule défense de la chasse ne saurait dessiner un avenir commun.