Son secret a été bien gardé. Le 28 avril, le convoi parti de Matignon encadrant Elisabeth Borne fonce toutes sirènes hurlantes dans les Yvelines, vers Vélizy, pour officiellement visiter une usine de l’industriel Safran. Prenant les journalistes par surprise, il fait un crochet d’une trentaine de kilomètres vers la ville de Poissy, où l’attend le député Renaissance et ancien maire Karl Olive. Objectif: en pleines "casserolades" qui accueillent le président et les ministres, un petit tour surprise du marché. Protégée par des gardes du corps nerveux, la Première ministre s’efforce de sourire, avec un petit mot pour le légumier ou le charcutier. Sans la bonhomie et la chaleur de son prédécesseur Jean Castex – "avec lui, on serait déjà allés boire un coup. Elle est beaucoup plus froide", s’amuse un membre de la délégation. Mais l’accueil est cordial, sans marque d’hostilité. Sauf que la publication sur Twitter des photos de cette visite-commando va déclencher un torrent de critiques et de dénonciations de cette "mise en scène grotesque".
Quelques heures plus tard, dans son bureau de l’hôtel de Matignon avec vue plongeante sur le parc de 3 hectares, Elisabeth Borne répond en plaisantant: "En fait, ce n’étaient que des figurants…" Son objectif est atteint. Elle veut montrer qu’elle va au contact, qu’elle est à l’aise avec les gens, loin de son image de techno raide et crispée que ses détracteurs véhiculent. "Je ne vis pas enfermée à Matignon. J’aime aller à la rencontre de mes concitoyens, mais je le fais avec mon tempérament, peut-être de manière plus naturelle que certains politiques qui tiennent à s’afficher en train de taper sur le cul des vaches", ose-t-elle.
Une résistance qui s'explique par sa tragique histoire personnelle
Un an après son arrivée à Matignon, Elisabeth Borne a mangé du lion. Placée depuis des mois sur un siège éjectable, elle est toujours là, dépassant la longévité d’Edith Cresson – une comparaison sexiste, s’énerve-t-elle, en précisant qu’elle a aussi dépassé celle de Bernard Cazeneuve. Malgré les épreuves, trois mois de conflit social sur les retraites et des attaques très violentes à l’Assemblée nationale – où "il fallait un certain courage physique", souligne Olivier Marleix, le patron des députés LR. "Quand vous êtes au centre de l’échiquier politique, tout le monde vous tape dessus. Vous vous faites canarder de partout", admet-elle, inquiète de "l’antiparlementarisme de la Nupes et du RN" au Parlement, où pas une séance de questions au gouvernement ne s’est passée sereinement.
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Après les syndicats, au tour des organisations patronales d’être reçues par Élisabeth Borne