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Candidature aux législatives : le plan François Hollande
Comme on le dit des enfants, François Hollande dit parfois d'Emmanuel Macron qu'il « fait son intéressant ». Le président a-t-il joué à cela en prononçant dimanche la dissolution de l'Assemblée nationale ? François Hollande, qui suivait la soirée électorale chez lui en Corrèze, a été partagé entre sidération et inquiétude. Le hasard du calendrier a imposé aux deux hommes une rencontre dès le lendemain matin à Tulle, le président venant rendre hommage à des victimes de la Seconde Guerre mondiale. Le socialiste a été étonné de voir le chef de l'État déambuler de manière si sereine, presque désinvolte, comme si de rien n'était, glissant des « on va y arriver » à ceux qui lui serraient la main.
Depuis le début cette folle semaine, François Hollande mûrit sa décision d'être lui-même candidat aux élections législatives. Jeudi matin, Raphaël Glucksmann l'appelle. Les deux hommes sont sur la même longueur d'onde. Ils entretiennent une défiance totale à l'endroit de Jean-Luc Mélenchon et des Insoumis et fixent à l'accord les mêmes lignes rouges : soutien à la construction européenne, à l'Ukraine, actes du 7 octobre commis par le Hamas qualifiés de « terroristes », lutte contre l'antisémitisme... L'essayiste et l'ancien président incarnent cette même gauche sociale-démocrate. Le bon score du député européen - 13,8 % - est venu leur prouver qu'elle existait encore.
Cinq à être au courant
Toute la semaine, depuis ses bureaux de la rue de Rivoli, François Hollande consulte et sonde les uns les autres : son ancien communiquant à l'Élysée Gaspard Gantzer, l'ex premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, la maire de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy, le député PS Guillaume Garot ou encore les anciens parlementaires socialistes Vincent Feltesse et David Habib. Tout le monde le pousse à y aller. Mais lui ne dit rien de ses intentions. Jeudi soir, l'ancien président participe au 20 Heures de TF1 pour approuver le principe de Nouveau Front populaire. C'est vendredi matin qu'il met ses plus proches collaborateurs dans la confidence dont sa conseillère en communication Sybil Gerbaud ainsi que le maire de Tulle, Bernard Combes, son ami. Ils sont à peine cinq à être au courant et le secret doit être bien gardé pour qu'il puisse lui-même annoncer sa candidature depuis son fief corrézien.
Auparavant, François Hollande s'est bien assuré que le terrain était dégagé. Lors des négociations avec les autres composantes du Nouveau Front populaire, le PS flèche la circonscription de Tulle pour le courant d'Hélène Geoffroy, opposante interne au premier secrétaire, Olivier Faure, et proche de François Hollande. Le chemin est donc tracé pour reprendre ce territoire détenu jusqu'à dimanche par un LR. Le Parti socialiste choisit le maire de Tulle. Sauf que ce dernier pousse activement l'ancien président à mener le combat.
Hier, face aux micros qui se tendent à lui, François Hollande se lance : « Jamais l'extrême droite n'a été aussi proche du pouvoir depuis la Libération. Comment rester indifférent ? » À l'annonce de sa candidature, le PS assure dans un premier temps ne pas l'avoir investi, avant de finalement en « prendre acte ». Une réaction épidermique à l'image du rejet que suscite l'ancien président chez une partie des socialistes, à commencer par le premier secrétaire du parti, qui rêve d'envoyer valser cette génération.
Dans la même coalition que son ennemi
Dans les prochains jours, François Hollande mènera campagne dans son fief corrézien, qu'il connaît par cœur : il y a été élu pendant vingt ans. Ses chances de l'emporter sont sérieuses. Revenir à l'Assemblée nationale après avoir été à l'Élysée, c'est ce qu'avait fait Valéry Giscard d'Estaing en 1984. Face à un groupe RN qui s'annonce pléthorique, le socialiste deviendra-t-il le premier opposant à Marine Le Pen ? « Il a tout de suite compris que tout se passerait au Parlement, désormais », appuie l'un de ses interlocuteurs. « François Hollande a parfaitement hiérarchisé les problèmes, le plus gros d'entre eux étant l'arrivée du RN au pouvoir, estime le communicant Robert Zarader, visiteur régulier de l'ancien chef de l'État. Face à cela, il ne pouvait pas rester dans le rôle d'observateur de la vie politique. »
Voilà donc l'ancien président dans la même coalition que son ennemi de toujours, Jean-Luc Mélenchon. « Par sa simple présence, François Hollande rééquilibre le Nouveau Front populaire, dont tout le monde disait qu'il était dominé par LFI », applaudit l'un de ses amis. Il n'est pas exclu que le leader Insoumis se lance lui aussi dans la bataille des législatives, mais dans un autre territoire que Marseille, où il était élu sous le premier quinquennat Macron. « C'est un accord électoral et chacun retournera dans son groupe après le 7 juillet », acte déjà un proche de François Hollande. Même sur le cas d'Adrien Quatennens, condamné pour violences conjugales, François Hollande n'a jamais compris que le leader Insoumis protège à ce point son dauphin jusqu'à le réinvestir candidat. « Mélenchon a fait l'erreur de confondre public et privé », a-t-il confié récemment à un proche.
L'homme de 69 ans pose là un acte politique majeur en vue de 2027. « Il s'inscrit en leader de l'aile modérée du Nouveau Front populaire. Son intervention au 20 Heures de TF1 ressemblait à une déclaration de candidature à la présidentielle, croit même y voir un socialiste. Au passage, il a pris tous les prétendants de vitesse, Stéphane Le Foll, Carole Delga et Bernard Cazeneuve. »
Emmanuel Macron devra lui aussi composer avec le retour de son prédécesseur. Les deux hommes n'ont plus aucune relation, en dehors d'échanges cordiaux lors des cérémonies officielles. François Hollande n'a jamais oublié ce texto qu'il avait reçu de son ancien ministre de l'Économie le 15 novembre 2016 : « Demain, j'annonce ma candidature. » Il n'y a jamais répondu.