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Comme le montre le livre La Meute consacré à LFI, le fonctionnement interne d’un parti annonce ce qu’il fera au pouvoir. Léon Blum fut le premier, au sein de la gauche, à mettre en lumière ce théorème, qui s’est toujours vérifié depuis… L’excellent Paul Quinio, directeur délégué de Libération, pose une question faussement candide dans le journal de lundi : « que donnerait le « système » mis en place par Jean-Luc Mélenchon et sa garde rapprochée au sein de LFI si le leader insoumis arrivait au pouvoir en 2027 ? » C’est en effet l’interrogation qui vient à l’esprit à la lecture du livre La Meute (à paraître mercredi 7 mai chez Flammarion), publié au terme d’une longue enquête par Charlotte Bellaich et Olivier Perou, journalistes à Libération et au Monde. À vrai dire, le problème a été résolu depuis un certain temps (1920…) par un autre éditorialiste à la notoriété un peu supérieure à celle de Quinio, lequel ne se formalisera pas par de la comparaison, puisqu’il s’agit d’un certain Léon Blum. En décembre 1920, la SFIO (Parti socialiste), vient de voter en majorité pour l’acceptation des 21 conditions posées par Lénine et Zinoviev à l’adhésion des socialistes à la IIIème Internationale. Le Congrès va entériner la scission qui se dessine et qui donnera naissance au Parti communiste français, tandis que les minoritaires emmenés par Blum décident de « garder la vieille maison » socialiste. C’est Léon Blum qui prononce, face à ses camarades passés dans le camp de Lénine, un discours d’adieu resté célèbre dans l’histoire du mouvement ouvrier. Que dit le futur chef du gouvernement de Front populaire ? Une chose fort simple, qui nous ramène au livre La Meute : le mode l’organisation imposé par les communistes russes est inacceptable pour un parti qui se réclame de la démocratie. Au lieu de l’ancienne règle interne qui prévoit une discussion libre à la base et l’élection par les militants des organes de direction, Lénine veut un parti militarisé, où un bureau politique désigné de manière opaque (en fait par l’Internationale) prend toutes les décisions importantes, à charge pour les responsables intermédiaires, jusqu’au bas de la pyramide, de les appliquer sans faille, tels des officiers et des sous-officiers d’une armée. Il a pour lui un argument qui pèse lourd à l’époque : c’est grâce à cette organisation de fer que les bolcheviks ont pu se saisir du pouvoir en Russie et sortir victorieux de la guerre civile qui s’en est suivie. Blum consacre l’essentiel de son discours à l’analyse de ce mode de fonctionnement et termine sur un avertissement solennel : la prise de pouvoir par un tel parti, annonce-t-il, débouchera immanquablement sur un gouvernement dictatorial qui imposera le socialisme par la contrainte et la violence, ce dont les socialistes, attachés aux libertés publiques, ne veulent à aucun prix. Vilipendé par les communistes dès le congrès de Tours, Blum verra sa prophétie se réaliser au-delà de ses plus noirs pressentiments, puisque le Parti communiste, partout où il prendra le pouvoir, mettra en place une dictature totalitaire, la plupart du temps dirigée par un chef unique entouré d’un culte de la personnalité pratiqué par ses affidés, et qui dirige le Parti par des oukases absolus, rythmés par des purges régulières, Staline, Mao, Castro, Kim-Il-sung, Ceaucescu, etc. Tel est le problème central posé par LFI. Quoiqu’issue, non du stalinisme mais du trotskisme, la formation de Jean-Luc Mélenchon est dirigée selon les mêmes principes que ceux de Lénine et de Staline : décisions prises au sommet et appliquées verticalement, culture du chef, phénomène de cour, purges incessantes, insultes permanentes contre les déviants de l’intérieur et les adversaires de l’extérieur, etc. On dira que nous sommes un siècle plus tard, que l’expérience stalinienne, qui a conduit à un désastre humain et politique, est passée par là et qu’on voit mal comment une telle dictature pourrait s’imposer dans la France de 2027. Mais il n’est pas besoin d’aller jusque-là pour s’inquiéter. La thèse de Blum, vérifiée par l’Histoire, c’est que la culture politique acquise dans l’opposition persiste naturellement quand ses adeptes parviennent au sommet de l’État. Dès lors qu’elle aura permis la conquête, le chef du parti aura toutes les raisons d’en user aussi pour surmonter les inévitables épreuves du pouvoir. Ceux qui en doutent doivent observer l’évolution du gouvernement vénézuélien, soutenu perinde ac cadaver par Jean-Luc Mélenchon. LFI n’est pas un parti démocratique. S’il gagne en 2027, en vertu de quel miracle abandonnerait-il les habitudes prises au cours de son long séjour dans l’opposition ? Autrement dit, poser la question c’est y répondre : les loups se changent rarement en agneaux.Blum et Mélenchon