Où est passé "Le jardin des coqs" tapisserie de Jean Lurçat ?

Laetitia Bertoni La DDM

 

Cette œuvre de Lurçat est un témoignage de notre passé, de la résistance, de la Libération. Gérard Iragnes milite pour que la tapisserie soit de nouveau exposée, en cette année symbolique.

Où est passé "Le jardin des coqs", c’est la question qui taraude depuis des années maintenant le conseiller municipal Gérard Iragnes. Cette œuvre de Jean Lurçat était jusqu’au début des années 2000 installée dans la salle du conseil à l’Hôtel de ville… "Mais depuis, elle avait comme disparu", s’inquiète l’élu communiste qui au fil des mandatures et des élus a entendu nombre d’explications et de justifications.

 

À l’occasion de cette année des 80 ans de la Libération, il souhaiterait remettre en lumière cette tapisserie, dont seuls deux exemplaires existeraient. Car elle fait plus que jamais écho à notre histoire.

"Jean Lurçat l’a créée vers la fin de 1939-le début de 1940. Elle symbolise l’enfermement dans lequel Pétain et Hitler vont emprisonner les Français. Par ces trois coqs parqués, dont un parvient à briser la barrière, Lurçat nous dit : Jamais le peuple de France ne sera un peuple d’esclaves. Cette tapisserie parle aux anciens mais elle a aussi un intérêt pour les jeunes générations. Le côté rébellionnaire des Français est toujours là, tout peut se réveiller dans notre société", témoigne Gérard Iragnes qui connaît bien cette tapisserie.

Une délibération présentée au conseil municipal en 1988

Il l’a longtemps admirée chez la famille Désirat, propriétaire d’un appartement sur le boulevard cadurcien. "Annie et Charles Désirat s’y étaient installés dans les années 70, après avoir quitté Paris. Ce sont eux qui en ont fait don à la Ville à la condition qu’elle soit visible des Cadurciens. À l’époque, j’étais adjoint au maire sous la mandature de Maurice Faure et j’avais d’ailleurs présenté la délibération le 28 mars 1988", se remémore l’élu de Cap à Gauche. Avant de confier, avec émotion : "J’ai 78 ans, j’aimerais la revoir exposée quelque part, avant que l’année 2024 ne se termine".

Si cet élu d’opposition met un tel attachement à sa démarche, c’est que derrière la petite histoire se cache la grande Histoire. Tout commence avec la comtesse Annie de Coheix, alors propriétaire du château de Saint-Laurent les-Tours. Elle était entrée en résistance et abritait dans les tours "Radio Quercy", la radio de la résistance. Le lieu servait également de cache d’armes, semble-t-il.

En achetant le château de Saint-Laurent les Tours, l’artiste offre l’œuvre

" Jean Lurçat était tombé amoureux de ce site et avait proposé de lui acheter. C’est lors de cette acquisition que l’artiste lui aurait offert "Le jardin des coqs". Devenue veuve, Annie de Coheix avait par la suite épousé Charles Désirat, résistant lui aussi", rappelle Gérard Iragnes.

Très tôt, à Paris, Charles Désirat avait en effet rejoint la résistance. Il fut arrêté dans les Vosges pour ses activités communistes. Emprisonné à Drancy, puis Compiègne, dont il s’évadera en creusant un tunnel avec d’autres prisonniers, avant d’être repris ; il fut déporté en Allemagne au camp de concentration de Oranienbourg-Sachsenhausen.

 

Annie et Charles Désirat qui a contribué à l’installation de la stèle de la Résistance et de la Déportation à Lamothe-Cassel, rendant hommage aux 944 Lotois morts.
Annie et Charles Désirat qui a contribué à l’installation de la stèle de la Résistance et de la Déportation à Lamothe-Cassel, rendant hommage aux 944 Lotois morts. DR Photo G.Iragnes.

 

"C’était mes amis, des résistants au service de leur pays. Charles Désirat était un grand homme, un personnage hors du commun. Avant guerre, il était secrétaire du Secours Rouge devenu le Secours populaire. Il a été président du comité international du camp de Oranienbourg-Sachsenhausen. Il était proche d’André Tollet, président du comité de libération de Paris. Et de tant d’autres grandes personnalités", souligne l’élu cadurcien.

C’est pour toutes ses raisons et bien d’autres encore que Gérard Iragnes est intervenu une nouvelle fois auprès du conseil municipal de Cahors pour demander l’exposition du Jardin des coqs. "Le maire, Jean-Luc Marx a été sensible à sa haute valeur symbolique et historique, qu’il ne connaissait pas. Et Françoise Faubert (adjointe à la culture) m’a confirmé que la tapisserie était en parfait état, conservée depuis lors dans les réserves du Musée Henri-Martin. Je pense qu’avec ce 80e anniversaire de la libération, il est tant de la montrer de nouveau, car je suis meurtri de la savoir dans l’ombre".

NDLR : « Le Jardin des coqs » constitue une protestation éloquente contre les accords de Munich qui vont livrer le territoire des Sudètes rattaché à laTchécoslovaquie au Reich allemand, en 1938.

L’œuvre de Lurçat offerte par un couple de résistants devrait rejoindre le futur Musée de la Résistance de Cahors

  • Des œuvres de Jean Lurçat au Musée de Saint-Laurent-les-Tours.
    Des œuvres de Jean Lurçat au Musée de Saint-Laurent-les-Tours. DDM Archives
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Laetitia Bertoni La Dépêche du Midi
 
 

l'essentielCela faisait de nombreuses années que Gérard Iragnes s’enquérait du devenir de la tapisserie de Jean Lurçat, donnée à la ville de Cahors par un couple de résistants. Elle avait disparu de la salle du conseil municipal, voilà plus de 20 ans. Mais une nouvelle histoire va s’écrire pour cette œuvre au sein du futur Musée de la Résistance.

La première bonne nouvelle c’est que la tapisserie le "Jardin des coqs" de l’artiste Jean Lurçat est en parfait état et conservée dans les réserves du Musée Henri Martin à Cahors. La seconde, c’est qu’elle pourrait retrouver une exposition sur les cimaises du futur Musée de la Résistance.

C’est en tout cas ce à quoi réfléchit très sérieusement Françoise Faubert, 1re adjointe au maire, qui nous indiquait : "À une certaine époque, cette œuvre était accrochée salle Henri Martin, à la mairie, mais je ne l’ai pas connue. Pour des raisons de conservation, elle a été entreposée dans les réserves du musée. Lors du recollement des collections, lorsque l’ancien musée a fermé, l’œuvre de Jean Lurçat a bien été recensée et on a pu constater son bon état".

 

 

Françoise Faubert, 1re adjointe au maire de Cahors.
Françoise Faubert, 1re adjointe au maire de Cahors. DDM

 

L’intervention de Gérard Iragnes en conseil municipal, afin d’exposer de nouveau cette tapisserie, représentant un symbole fort de la résistance et de la liberté, a semble-t-il concernée les élus cadurciens.

 

"Nous envisageons de l’intégrer dans le parcours du Musée de la Résistance qui ouvrira fin 2025, au Grand Palais, car elle est en lien direct avec la résistance lotoise et son histoire. Ce serait donc naturel qu’elle intègre ce lieu et nous y réfléchissons. Mais nous n’aurons pas la possibilité de la montrer en 2024, pour les 80 ans de la Libération. Les commémorations liées à la seconde guerre mondiale se poursuivant aussi en 2025, ce ne sera pas tout à fait un loupé…", tempère Françoise Faubert qui annonce que la scénographie du Musée de la Résistance est terminée, que le projet avance bien et que les délais prévus seront tenus pour une ouverture en fin d’année prochaine.