3205-Après la gauche caviar, la gauche cassoulet Article de Par Serge Raffy 1 post
Après la gauche caviar, la gauche cassoulet
Il y avait la gauche caviar, voici venir le temps de la gauche cassoulet. Du costaud, du lourd, du « qui tient au ventre ». Pour les anciens, ce n'est pas d'une modernité absolue, mais cela a le mérite d'exister. Le banquet républicain serait-il redevenu tendance ?
Samedi 28 septembre, à Bram, dans l'Aude, au cours d'agapes où le haricot blanc-saucisse a coulé à flots, un aréopage de barons de la social-démocratie en reconstruction est venu se refaire une santé devant plus de deux mille sympathisants.
Pas encore la haute compétition, mais un début de convalescence pour cette gauche qui ne supporte plus les écarts et les ruades d'un Mélenchon en voie de trumpisation. Au programme : comment serrer les rangs pour évincer Olivier Faure « le Soumis », l'homme qui a livré le parti au gourou de LFI et qui le dirige à la soviétique ? En provoquant un congrès du PS au plus vite. Début 2025, par exemple ?
Vieilles habitudes
Pour l'emporter, il faut montrer les muscles, faire apparaître un début d'unité des réformistes. En finir avec le fatalisme d'un pouvoir perdu pour trente ans. Et c'est là où tout se complique. Sur la photo, on joue à « Embrassons-nous, Folleville ». Ambiance rugby. Tout pour le collectif? François Hollande, Carole Delga, Bernard Cazeneuve, Jean-Marie Cambadelis, Raphaël Glucksmann, Patrick Kanner, des renégats de Renaissance ? tels Clément Beaune ou Aurélien Rousseau ?, les maires de Montpellier, Rouen et Marseille, multiplient les accolades, les regards langoureux, signe que le mariage de tous ces gens n'est pas impossible.
En coulisses, les vieilles habitudes reprennent le dessus. La gauche n'a jamais été aussi éparpillée « façon puzzle », selon la formule de Bertrand Blier dans Les Tontons flingueurs. Les petits partis pullulent, comme à la grande époque d'avant le congrès d'Épinay.
En stock, la gauche peut compter sur le Parti socialiste (PS), divisé comme jamais, Place publique, le mouvement de Raphaël Glucksmann, qui monte en puissance, le Parti radical de gauche, de Guillaume Lacroix, Convention, le think tank créé par Bernard Cazeneuve, La France humaine et forte, du maire de Saint-Ouen Karim Bouamrane ? considéré par la presse américaine comme le nouveau Barack Obama ?, enfin La Ligne populaire, de Philippe Brun, député de l'Eure. Sans compter les officines satellites qui pèseront lors des prochains rendez-vous électoraux.
La veste rouge de Bernard Cazeneuve
Ce branle-bas de combat, qui va se poursuivre pendant les prochains mois, va-t-il déboucher sur un vrai projet politique permettant de refaire le coup d'Épinay de François Mitterrand en 1971, qui conduisit à la victoire dix ans plus tard ? Ou n'est-elle qu'une tentative désespérée de désarrimer le bateau PS de La France insoumise (LFI) avant le naufrage annoncé ?
Ne rêvons pas : pour que cet aréopage de figures occupant toutes les nuances du rose jusqu'au PC, en pleine crise avec LFI sur la laïcité, reprenne des couleurs et s'engage dans une stratégie de rassemblement, il faudra, un jour ou l'autre, qu'elles acceptent de propulser à leur tête une nouvelle figure.
Ces hérauts de l'unité auront-ils l'audace d'aider Raphaël Glucksmann, l'homme qui a évité une déculottée à la gauche aux élections européennes, à porter l'étendard de ce mouvement de revitalisation en devenir ? Ou vont-ils désigner Bernard Cazeneuve, le vrai-faux Premier ministre de Macron, débarqué à Bram dans une affriolante et saugrenue tenue de groom du Ritz, veste rouge à col Mao, avec boutons dorés ? Quelle mouche a piqué l'ex-vrai locataire de Matignon de François Hollande pour se déguiser ainsi ? Faire plus peuple ? Histoire de coller au discours dominant de ces retrouvailles très IVe République ?
Tous ont, en tout cas, au moins dans leurs interventions de Bram, mais aussi à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) et à La Réole (Gironde), où ils se sont retrouvés également en fin de semaine, annoncé que la gauche, sur les sujets régaliens, sécurité et immigration, va changer son logiciel et se rapprocher du monde citoyen. Avec un but avoué : faire encore, et toujours, barrage à Marine Le Pen. On attend avec impatience les propositions révolutionnaires dans ce domaine.