2850- NOUVELLE REVUE DE PRESSE 15 posts

À bas l’écriture inclusive !
  • par Sébastien Lapaque, pour Le Point - avril 2024
Dans un pamphlet informé par l’histoire du français et deux décennies d’enseignement, Olivier Rachet, agrégé de lettres modernes, démonte la supercherie de l’écriture inclusive.
 
«Un.e Agneau.elle se désaltérait / Dans le courant d'une onde pure. / Un.e Loup.ve survient à jeun, qui cherchait aventure»… Persuadé de la force persuasive de l'exemple, Olivier Rachet a passé «au scalpel» de l'écriture inclusive une fable de La Fontaine à l'ironie rhétorique extrême pour obliger ses contemporains assoupis à repenser cette évidence : ladite écriture annihile «toute possibilité de lecture».
 
Selon lui, les règles typographiques qui auraient la vertu de réduire les inégalités de genre se voient d'ailleurs indûment attribuer le statut d'«écriture». Qu'on soit ou non d'accord avec la révolution du point médian, son introduction procède d'une simple «réforme» de l'orthographe. Et la langue française, qui en a connu quelques-unes depuis le XIVe siècle, notamment en 1740, 1835, 1878, 1935, et en 1999 pour la féminisation des noms de métiers, a suffisamment de ressources pour ne pas finir dévorée par cette ponctuation parasitaire…
 
Mais il ne s'agit peut-être pas uniquement d'accorder les mots féminins par souci de courtoisie ou pour que triomphe le Bien, comme on voudra. En mettant au dictionnaire non plus un bonnet rouge mais une ceinture de chasteté, les agents de la circulation idéologique qui aspirent enfin à la «transparence du mal» (Jean Baudrillard) ne sont plus seulement occupés à déconstruire, mais à démolir, une langue accusée d'être fasciste.
 
Domination, exclusion, sélection, discrimination
On aura reconnu la mise en accusation du dit et du dire par Roland Barthes à l'occasion de sa leçon inaugurale prononcée le 7 janvier 1977 au Collège de France. Olivier Rachet ne peut pas l'éluder à propos d'une «écriture inclusive» qui, de toute évidence, «ne constitue pas une adaptation égalitaire de l'orthographe, mais s'autorise d'un combat inepte contre les discriminations dont le langage serait le dépositaire pour s'introniser en véritable “discours de pouvoir”, pour reprendre la terminologie de Barthes, qui appelle ainsi “tout discours qui engendre la faute, et partant la culpabilité de celui qui le reçoit”. Où cet engendrement de la faute se double d'une naissance au forceps d'une orthographe monstrueuse et délirante.»
 
L'histoire de la langue française depuis Eustache Deschamps et Christine de Pizan ne serait pas celle de ses chefs-d'œuvre, mais celle de ses crimes : domination, exclusion, sélection, discrimination. «Le français est devenu le péché originel, la faute suprême qu'il est impératif de corriger.»
 
Le vocabulaire portant en lui l'héritage et la mémoire de cette faute, comme dirait la théologie chrétienne, il doit être purgé et expurgé. Et l'Université n'a plus pour vocation d'apprendre à lire sous la direction de bons maîtres mais à surveiller et punir – par l'effet d'un cruel retournement de la French Theory contre elle-même.
 
Des usages producteurs de non-sens
En vingt années de loyaux services dans le secondaire, Olivier Rachet a eu l'occasion de mesurer les catastrophes engendrées par «l'enseignement de l'ignorance». Ayant répondu aux laborantins fous de la réformation linguistique que «le langage n'est par définition ni inclusif ni exclusif […] mais […] se contente d'être un système arbitraire et imparfait de notations qu'on reçoit en héritage», c'est avec les armes de la satire qu'il taille en pièces les usages producteurs de non-sens de la rédaction «épicène» – mot qui ne varie pas selon le genre. Notamment en retrouvant La Fontaine… «Sire. Madame, répond l'Agneau.la Brebis, que Votre Majesté.e / ne se mette pas en colère, mais plutôt qu'elle.il considère…»
 
On songe aux charges joyeuses de Philippe Muray contre l'Empire du bien ; à la subversion du désordre linguistique établi proposée par Jaime Semprun dans Défense et illustration de la novlangue française. Soucieux de se tenir à égale distance du «réflexe conservatiste» et de «l'automatisme progressiste», Olivier Rachet révoque les approches socio-constructivistes d'une écriture textuelle nouvelle pour continuer à jouir des textes – et même à jouir dans les textes.�
  • Illustration : Olivier Rachet présente «L'écriture exclusive», éditions Tinbad, février 2024, 126 pages, 17 € (papier).
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07/05/2024
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