698-Sarkozy sans limites,pour le meilleur et le pire 23 posts






de la part de jean marie
joyeux Noël à tous,Marc



"Un président au bord du goufre"
publié dans Newsweek daté du 22 décembre et dans tempsreel.nouvelobs.com

Nicolas Sarkozy (Sipa)

Nicolas Sarkozy (Sipa)

Depuis trois mois, le président français Nicolas Sarkozy avertit le peuple de France, d'Europe, et tous ceux qui veulent bien l'écouter, que le monde tel que nous le connaissons est voué à une fin prochaine. Empruntant au poète Matthew Arnold sa vision apocalyptique d'un monde " sans amour, sans joie et sans lumière, sans paix ni certitude, où la douleur est reine", Sarkozy évoque une crise économique, sociale et politique si profonde qu'elle "va modifier l'équilibre du monde. Elle va modifier les comportements, les idéaux, les valeurs". Et au cas où les auditeurs chercheraient quelqu'un pour les tirer de ce mauvais pas et les guider vers la lumière, Sarkozy se pose en recours : "Cette crise, nous ne devons pas nous y soumettre. Cette crise, nous devons l'affronter sans fléchir. Cette crise ne doit pas nous inciter à l'immobilisme. Elle doit nous inciter à agir, rapidement, et avec détermination". Ce qui, on l'a appris, est précisément le style Sarkozy.


Quel autre politicien se permettrait de telles envolées lyriques et de faire montre d'un tel culte du moi? Il n'empêche, Sarkozy a pris la mesure du problème, et à la différence de bien des hommes politiques —voire de chefs d'état— en Europe, le président français n'a pas en face de lui de véritable opposition. L'extrême droite s'est écroulée avant son élection l'an dernier, suivie par le Parti socialiste, paralysé par des guerres internes qui ont culminé le mois dernier en un affrontement féroce pour le leadership. Qui, sur terre ou au ciel, pourrait demander des comptes à Sarkozy ? Pas l'Assemblée nationale, où Sarkozy jouit d'une confortable majorité. Et aucune élection importante n'est prévue avant trois ans.


Par nature sûr de lui et peu enclin aux excuses, Sarkozy est essentiellement affranchi de tout contre-pouvoir chez lui. Le président français est aujourd'hui en quelque sorte Sarkozy sans limites, pour le meilleur et pour le pire. Et justement, on pourrait se demander si, doté d'une telle personnalité et par les temps qui courent, il utilise cette liberté de mouvement pour le meilleur, ou pour le pire.


Tout bien pesé, c'est pour l'instant plutôt pour le meilleur. Le quotidien financier La Tribune annonçait la semaine dernière qu'un jury de journalistes internationaux couvrant les affaires européennes avait élu Sarkozy "meilleur leader européen" parmi 27 candidats. Pourtant, même quand Sarkozy fait preuve d'audace, l'excès n'est jamais loin, et avec lui le risque du désastre. À chaque instant de sa vie politique, dès que Sarkozy perçoit un déficit de leadership —réel ou imaginé—il se met lui-même aux commandes. Sarkozy déteste le vide, que ce soit dans son propre gouvernement, où il occupe souvent le fauteuil de son Premier ministre, dans la justice, où il s'implique parfois de façon obsessionnelle dans des affaires relevant des faits divers, et jusqu'à Washington, où il pressait le mois dernier une administration Bush sur le départ, d'organiser un sommet du G20, quelques jours à peine après l'élection présidentielle.


Au niveau européen, précisément, super Sarkozy s'est heurté à des partenaires bien décidés à ne pas bouger d'un iota. Ses manières turbulentes agacent la Chancelière allemande Angela Merkel, qui s'oppose encore plus fermement à l'appel de la France en faveur de mesures collectives face au désastre économique et à la menace de plus long terme du réchauffement climatique. Le Premier ministre italien Silvio Berlusconi (élu pire leader européen par La Tribune), théâtral à l'excès, tente par tous les moyens de souffler la vedette à Sarkozy, par une opposition systématique aux initiatives françaises. Quant aux nouveaux membres de l'Union Européennes, et notamment les Polonais, ils refusent de céder devant les assauts de Nicolas Sarkozy.


Il se trouve que ceux des leaders européens avec qui il aurait espéré faire cause commune sont les plus affaiblis politiquement. Gordon Brown, le Premier ministre britannique est un allié important, mais il est affaibli par l'usure du Parti travailliste, depuis trop longtemps au pouvoir, et un Parti conservateur plus que jamais revigoré. L'Espagnol Zapatero doit faire face aux attaques incessantes de l'opposition sur fond de miracle économique en déconfiture. Au lieu de travailler de front avec ses partenaires, Sarkozy les agace, en déclarant par exemple sans sourciller que les ministres des Finances réunis dans l'Eurogroupe n''étaient pas à la hauteur du défi posé par la crise internationale, suggérant à la place des rencontres régulières des chefs d'état et du gouvernement de la zone euro — à l'instar de celui qu'il pilota en octobre afin d'arriver à un accord sur le sauvetage des banques européennes. Une proposition retoquée par le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui ne manqua pas de souligner qu'il ne dirigeait pas l'Eurogroupe pour le "plaisir ou la gloire personnelle" et questionnant au passage l'ambition de Sarkozy pour autre chose que d'avoir la vedette. " Si d'autres pensent qu'ils pourront mieux assumer ces tâches", déclarait Juncker, "qu'ils le fassent, mais qu'ils y appliquent la même intensité pour les années à venir que celle qu'ils donnent l'impression de vouloir appliquer au moment où nous sommes".


Chez Sarkozy, l'ambition prend à tel point le pas sur la diplomatie qu'il a semblé déterminé à garder la main sur le gouvernail de l'Europe, quelles que soient les conventions diplomatiques ou les partenaires qui pourraient se mettre sur son chemin. Le Français est supposé abandonner à la fin de l'année à la République tchèque la présidence tournante de l'Europe, qu'il occupe depuis juillet. Dès le mois d'août, les diplomates français se demandaient tout haut, bien qu'en privé, si un pays plus petit que la France aurait pu affronter les défis internationaux avec autant de compétence.


Sarkozy — ce n'est pas un secret — a beaucoup apprécié être le président d'un continent en plus de son pays, et peut se targuer d'avoir agi là où d'autres auraient calé, et obtenu des résultats là où d'autres se seraient contentés de beaux discours. Lorsque la Russie a envahi la Georgie en août, par exemple, Sarkozy s'est embarqué lui-même pour Moscou puis pour Tbilissi sur le point d'être assiégée, afin de négocier un cessez-le-feu qui a peut-être sauvé le gouvernement du président Mikhail Sakashvili. En tout cas, c'est l'impression qu'a laissé Sarkozy aux Géorgiens, en les régalant d'anecdotes où le premier ministre russe Vladimir Poutine le prend par le revers de sa veste et grogne "je veux accrocher la tête de Sakashvili sur ce mur". Les Georgiens considèrent que Sarkozy a permis de l'éviter. Pour Temur Iakobashili, membre influent du gouvernement Georgien, "Sarkozy est une personne extraordinaire, et ce qualificatif prend une signification différente selon celui qui parle: "fou", "héroïque", "téméraire" "versatile". Mais "il ne faut pas sous-estimer le rôle qu'a joué Sarkozy", continue Iakobashvili. Il a pris la tête de l'offensive diplomatique visant à interrompre l'avancée militaire russe, et au final, il a "sauvé la Géorgie".


Il ne fait aucun doute que les personnalités comme celle Sarkozy prospèrent en temps de crise. Quand le système financier international s'est enfoncé dans la crise avec la faillite de la banque d'investissement Lehman Brothers aux Etats-Unis le 15 septembre, Sarkozy rejeta paraît-il, le texte d'un communiqué qui aurait minimisé l'étendue du désastre. Au lieu de quoi il déclara à ses compatriotes 10 jours après la faillite de Lehman, "C'est la fin d'un monde". Et sans opposition à gauche ou à droite, il a fait faire un demi-tour complet à sa politique économique. Élu sur un programme de réduction de l'intervention de l'état –le moins d'état, moins d'impôt qui fait figure de mantra pour le Parti Républicain aux Etats-Unis—Sarkozy s'est jeté à corps perdu dans l'interventionnisme, et soutient ces jours-ci un plan de relance de 26 milliards d'euros, qui alourdirait considérablement le déficit budgétaire français.


La pirouette est dure pour Sarkozy. De fait, c'est l'une des raisons de son succès à éliminer les partis d'opposition. En dépit d'une longue carrière passée sous l'étiquette conservatrice du Gaullisme, son principal credo politique est ce que les Français appellent "volontarisme", la foi en la possibilité d'agir sur le cours des événements par la force de la volonté. À cette fin, il adopte la politique qui a la meilleure chance de fonctionner, et lui permettra de présenter le meilleur profil. Dans la course vers la présidence, Sarkozy a révélé un incroyable talent à faire siennes les idées politiques les plus populaires de ses opposants. Ministre de l'intérieur, il a montré qu'il pouvait exploiter la peur de l'immigration et le sentiment d'insécurité aussi bien que le leader du Front National Jean-Marie Le Pen —l'éternel empêcheur de tourner en rond de la politique française —mais sans l'antisémitisme. À gauche, il a recruté dans son gouvernement des personnalités socialistes telles que Bernard Kouchner. Sarkozy a également soutenu la candidature de Dominique Strauss-Kahn, ancien ministre de l'économie socialiste, et concurrent potentiel pour la présidence, au poste de directeur du Fonds monétaire international.


Alors que la crise économique s'intensifiait, on n'a entendu depuis trois mois chez les socialistes que des critiques très timorées, voire des louanges, des politiques menées par Nicolas Sarkozy. De fait, celui-ci s'est fait l'avocat d'un plus de gouvernement et plus de dépenses plus convaincant encore que la gauche traditionnelle ne l'a jamais été. Comme le notait l'éditorialiste Françoise Fressoz dans Le Monde, la principale critique de son plan de relance de l'économie est qu'il met un accent trop important sur les investissements des entreprises, et n'en fait pas assez pour le revenu des ménages. Néanmoins, le Parti socialiste "n'en conteste guère l'utilité".
Le 31 décembre, avec la fin programmée de la présidence français de l'Union Européenne, les penchants naturels de Sarkozy vont être contrariés. Dans un effort évident visant à préserver l'élan de sa présidence, Sarkozy accueillera Tony Blair et une horde d'intellectuels de classe internationale pour une conférence prévue pour la première semaine de janvier. Puis, en avril, la France est supposée rejoindre le commandement unifié de l'OTAN, plus de 40 ans après le retrait ordonné par le président De Gaulle, à l'occasion du 60e anniversaire de l'alliance, une occasion idéale de faire les gros titres pour Sarkozy, qui pourrait en profiter pour annoncer un renforcement du contingent français en Afghanistan. Le président est toujours partant pour un geste historique, et si celui-ci est impopulaire, il n'existe aucune opposition suffisamment organisée pour le faire changer d'avis.


Habitué à voir triompher sa volonté, Sarkozy est cependant de plus en plus chatouilleux. Il a curieusement entrepris de traîner devant les tribunaux les fabricants d'une "poupée vaudou", un jouet parodique à son effigie accompagnée d'aiguilles et d'un mode d'emploi sarcastique. En octobre, un juge a défendu le droit du fabricant à l'humour, mais Sarkozy ne l'a pas entendu de cette oreille, et a fait appel. Le mois dernier, un autre juge a rendu un arrêt en sa faveur, tout en autorisant la vente de la poupée. Le plus dérangeant reste la façon dont Sarkozy essaie de manipuler les médias grand public, dernier bastion de ses critiques. Lorsqu'il était ministre, ses coups de fils personnels aux journalistes qui avaient osé lui manquer de respect étaient légendaires. Son amitié avec les patrons de presse et de télévision est également de notoriété publique. Difficile de savoir le degré d'autocensure qu'elle engendre, mais pour prendre un exemple idiot, l'hebdomadaire Paris Match a gommé ses poignées d'amour sur les photos des premières vacances présidentielles.


Aujourd'hui, plus sérieusement, Sarkozy s'est attaché à réécrire les lois régissant la télévision française. Le patron du groupe de télévision publique France Télévisions sera à présent nommé par le président. Et en dépit du déficit massif du budget de la France, Sarkozy entend appliquer sa promesse faite plus tôt dans l'année, de supprimer la publicité sur les chaînes publiques. Certains n'ont pas manqué de dénoncer les recettes publicitaires qu'il offre ainsi aux chaînes privées détenues par ses alliés politiques. Mais l'explication fournie par Sarkozy lui-même est peut-être plus révélatrice: la gauche n'a jamais osé le faire. Comme l'a déclaré le président: "ils en ont toujours parlé, mais sans résultats". Et de se vanter: cette décision montre ce dont est capable le gouvernement lorsqu'il s'est décidé à agir. Si le Parlement n'adopte pas la loi controversée avant le début de l'année prochaine, Sarkozy a prévenu que la loi serait entérinée par simple décret.
Qu'au bout du compte on se souvienne de Sarkozy comme d'un grand homme, ou d'un simple exemple d'obstination et d'arrogance, l'histoire (et éventuellement ses partenaires européens) nous le dira. Les Français, pour leur part, en ont fait… leur roi.


Par Christopher Dickey et Tracy McNicoll


Traduction de David Korn


Darcos oui ! Darkos non !

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15/12/2008
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