682-Henri Emmanuelli /JP.Chevènement sur la crise 16 posts


Son idée de la crise ou des crises

Jean-Christophe Cazaux. Que proposez-vous pour relancer l'économie et redonner confiance aux lambdas que nous sommes ?

Henri Emmanuelli. Sur la crise, on dit des choses justes, mais on ne dit pas tout. On parle de la crise financière, des banques, de la bourse, mais on ne dit pas souvent la raison profonde : pourquoi cette débauche de crédit, cette bulle spéculative ? Une lecture plus politique consiste à regarder ce qui s'est passé ces 15-20 dernières années : le déplacement de la valeur ajoutée, la part de la richesse produite, d'à peu près 10 % des salaires vers le capital ou les actionnaires, ça revient au même. Depuis plus de 10 ans aux États-Unis, le salaire médian n'augmente pas en capacité de pouvoir d'achat. En France, c'est pareil : depuis 2002, le salaire médian n'augmente pas. Au XVIIIe siècle, le plus haut salaire ne devait pas être plus de 20 fois supérieur au plus bas. Aujourd'hui, on arrive à 1 000, 10 000, on ne sait plus...cette crise a des racines très simples et très politiques : on a moins redistribué. Il y a aussi un étouffement ou un essoufflement de la consommation. Et la consommation, c'est quand même la contrepartie des trois quarts de la croissance : trois quarts de ce que l'on produit est destiné à alimenter la consommation.

François Gibert. Cette crise est-elle si inéluctable ?

C'est inhérent au système capitaliste à partir du moment où il n'est plus régulé et n'a plus peur de rien, dès qu'il se sent les coudées particulièrement franches. C'est le cas depuis la fin des années 1980, depuis l'effondrement du bloc communiste et la disparition du mur de Berlin. En Occident, le capital s'est dit : il n'y a plus de freins, de contraintes, de menaces, alors allons-y gaiement ! Parce que c'est quoi le capitalisme ? Ça consiste à faire du profit quand même ! À la décharge du système capitaliste, on est allé dans la pire direction qu'il puisse offrir, parce qu'il peut en avoir de meilleure, quand il est un peu encadré...

« Sud Ouest ». Quelle attitude adopter vis-à-vis des fautifs ?

3 Je crois que cette semaine, nous allons être quelques-uns à interpeller l'État pour lui dire qu'il faudrait peut-être s'occuper un peu des Français plutôt que des banquiers. L'État veut acheter 30 000 logements pour soulager l'immobilier. Mais comme il n'a pas d'argent, il dit à la Caisse des dépôts et consignations, c'est vous qui allez les acheter. Moi, je pense que l'État aurait mieux fait de dire, « je vais garantir les prêts immobiliers de 100 000 Français qui accèdent à la propriété », ça lui aurait sans doute coûté moins cher. Et c'était une façon de s'occuper des gens plutôt que de s'occuper des syndics promoteurs. Parce que va-t-il se passer ? La Caisse des dépôts va acheter des logements à Nexity, à Bouygues... Ils vont une fois de plus s'arranger entre amis...

« Sud Ouest ». On vous sent agacé sur ce sujet ?

Il y a six mois, j'ai fait une déclaration avec mes amis sur le thème, il faut un fonds souverain (1). J'ai eu droit à un article cinglant dans le journal « Le Monde » sur mon « surmoi marxiste » ; sous-entendu, Emmanuelli, c'est un coco mal dégrossi, en gros... Résultat, Sarkozy veut également au- jourd'hui un fonds souverain : alors, est-ce que c'est un coco mal dégrossi lui aussi ?

Un Congrès décisif pour le Parti socialiste

« Sud Ouest ». Pourquoi avoir choisi Benoît Hamon ?

 Il était déjà avec moi lors du dernier Congrès et nous avons pensé qu'il fallait du renouvellement. Tous mes camarades du PS veulent du renouvellement, mais à condition que ce soit pour les pousser à eux, surtout pas pour lâcher prise. On a pensé qu'il fallait promouvoir un quadragénaire, dans un courant où il y a beaucoup de jeunes. Il fallait le mettre devant, qu'il soit candidat. C'est quelqu'un qui raisonne très politiquement, qui a une lecture politique des choses, alors qu'un des drames des socialistes depuis 15 ans c'est qu'ils ne font plus beaucoup de politique...

François Gibert. Et vous, vous avez avalé beaucoup de couleuvres...

 Mmoui... Mais aller dehors, pourquoi faire ? C'est la question que je me suis toujours posé, parce qu'on me la pose souvent. On est même parfois plus méchant en me disant que je sers d'alibi, de caution de gauche. Mais chaque fois que quelqu'un a voulu faire quelque chose en dehors des grandes formations politiques, ça n'a pas fonctionné. Regardez Chevènement, il a voulu sortir du PS, ça a donné quoi, le Mouvement des Citoyens ? C'est peut-être respectable intellectuellement, mais politiquement, c'est un député ou deux et encore, élus grâce au PS...

Jean-Christophe Cazaux. Si Ségolène Royal remporte le Congrès, sachant qu'elle veut travailler avec le Modem, que faites-vous ?

Je ne crois pas que Ségolène puisse gagner. Le problème de ce Congrès, c'est que personne n'aura la majorité. Ni Ségolène, ni Delanoë, ni Aubry, ni Hamon a fortiori. Pourquoi ? Parce que les trois premiers, pendant cinq ans, ont été dans la majorité du Parti. La majorité s'est coupée en trois et on demande pourquoi il n'y aurait pas de majorité...

« Sud Ouest ». Hamon premier secrétaire, est-ce possible ?

A priori, sur le papier, non. Sauf si, faute de pouvoir arbitrer entre eux, il fallait s'en remettre à un autre.

« Sud Ouest ». Ségolène élue, vous partez ?
 (il sourit) Disons que ça me posera un gros problème. Compte tenu de mon ancienneté, je me reconnaîtrai le droit de réfléchir sérieusement.

Jean-Christophe Cazaux. Mais comment être prêt en 2012, il faut un chef ?

 Il faut rester calme. Il restera trois ans. Il ne faut pas trois ans pour gagner une élection présidentielle. En décembre 1980, Mitterrand était à 29 % et Giscard à 71 % dans les sondages ! Mais c'était l'époque bienheureuse où la gauche ne croyait pas aux sondages ! Quant au problème de chef, l'électorat de gauche doit cesser d'être frustré. En 2002, il y avait un chef, personne ne contestait la légitimité de Lionel Jospin. Et il n'y a pas eu victoire ! Il faut donc un chef, plus une ligne politique. Cette idée _ si on a un chef, on est sauvé _ c'est plutôt une idée cultivée à droite...

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Son avenir, sa succession

Jean-Christophe Cazaux. Peu de relève, beaucoup de gens dans votre ombre, il semble difficile de vous succéder...

 Les cimetières sont pleins de gens irremplaçables. Je ne le suis donc pas, irremplaçable. Est-ce que ce sera difficile ? Aucune idée. C'est la vie, ça...

« Sud Ouest ». Songez-vous à votre départ ?

3 Bien sûr que j'y pense. Mais la succession, il ne faut jamais en parler. D'abord parce que les dauphins risquent de s'entretuer. Et surtout, parce que si on commence à parler de succession, on perd son autorité. Y penser toujours et n'en parler, jamais.

« Sud Ouest ». Pour Labeyrie à Mont-de-Marsan, il aurait fallu y penser ?

Oui, sauf que les choses ne se passent pas comme ça. Il faut que les gens veuillent, sinon vous avez deux listes sur les bras et une défaite assurée.

Jean-Christophe Cazaux. Mais n'aviez-vous pas l'autorité pour en imposer à Labeyrie ?

Les gens n'écoutent pas quand il s'agit d'eux.

François Gibert. Et la récente guéguerre entre Labeyrie et Jullian, qu'en pensez-vous ?

Qu'est ce que vous voulez que j'aille patouiller dans ce genre de trucs ! Je n'irai pas. Tout cela est regrettable, c'est le moins que l'on puisse dire, pour rester aimable et gentil. Après, vous pouvez penser que j'aurais pu influer sur quoi que ce soit, la preuve... Pourquoi les gens ne veulent pas se retirer ? Je l'ai déjà dit. A propos de Jack Lang, au Congrès de Versailles, avec qui j'ai été plus méchant qu'avec Ségolène... « De Gaulle avait dit que la vieillesse était un naufrage, Jack n'était pas obligé de nous en fournir l'illustration. »

 

Auteur : Entretien coordonné par Aude Ferbos et Jean-Pierre Doria

extraits voir tout l'article dans Sud-Ouest landes ou sur www.sudouest.com








L'IMPOSTURE SARKOZY


par Denis Sieffert, dans Politis ce jeudi 23 octobre 2008

"On ne saurait le contester : dans la crise, Nicolas Sarkozy fait preuve d'une grande habileté. Il est ces jours-ci l'homme de trois illusions.

La première consiste à nous faire croire qu'il veut et surtout qu'il peut « refonder le capitalisme ».La deuxième, que le président de l'Union européenne – qu'il est pour deux mois encore – dicterait leur conduite aux États-Unis.La troisième, qu'il y aurait une cohérence entre un affichage antilibéral sur la scène internationale et sa politique économique et sociale en France.

 Le premier tour de passe-passe est une œuvre collective à laquelle participent tous ceux (Medef et dirigeants socialistes compris…) qui veulent nous faire croire que la crise résulte des excès de capitalistes encanaillés. Nous avons déjà eu l'occasion de le dire ici ces dernières semaines : le caractère immoral du système réside moins dans la pratique du « parachute doré » que dans le transfert des richesses, massif et silencieux, du travail vers le capital. Le capitalisme, autant qu'il nous en souvienne, est un rapport de production. C'est le rapport capital-travail. Ce n'est pas « le marché », et encore moins… la démocratie. Or, à ce rapport, il n'est évidemment pas question de toucher. L'idée de « refondation » suggère que l'on pourrait revenir à une sorte de pureté originelle du système en remontant le fil de l'histoire. Rejouer Bretton Woods. Ou, pour aller plus loin encore, réinventer l'étalon-or. C'est oublier que chacun de ces accords correspondait à des situations. Pour en arriver à Bretton Woods, en 1944, le capitalisme en est passé par la Deuxième Guerre mondiale et par le développement de l'industrie d'armement aux États-Unis… Fâcheux oubli ? Ou funeste perspective ?

La deuxième imposture est européenne. Le seul acte authentiquement antilibéral qui pourrait être convaincant, ce serait la remise en cause du traité de Lisbonne. Car ce texte, qui fait loi dans l'Europe actuelle, est d'essence ultralibérale. Au nom de la libre concurrence, il interdit toute harmonisation sociale ou fiscale. Il encourage les privatisations.
 Il déréglemente le travail. Le meilleur exemple, et le plus récent, est celui du temps de travail « plafonné », si l'on ose dire, à 65 heures hebdomadaires. Et le corollaire de cette Europe antisociale est le déni de démocratie qui caractérise toutes les étapes de sa construction. Aujourd'hui, Nicolas Sarkozy n'est-il pas le premier à souhaiter que l'Irlande revote jusqu'à ce que le « oui » l'emporte ? Comme il a contourné l'opinion publique française en se gardant de soumettre ledit traité à un nouveau référendum. Faute d'un tournant radical, il n'est donc pas sérieux de nous présenter le plan de sauvetage du système bancaire et la convocation d'un G8 à New York comme l'avènement d'un leadership européen original. En vérité, l'Europe de Nicolas Sarkozy ne fait, ces jours-ci, que se substituer à une Amérique momentanément aux abonnés absents, avec un président qui était calamiteux et qui n'est plus que fantomatique. L'Europe assure l'intérim en attendant la présidentielle. Mais, hormis quelques leçons de morale expéditive, c'est toujours bien du modèle américain dont on se rapproche à grands pas.

Pour s'en convaincre, il faut en venir à la troisième mystification. Celle-ci est hexagonale, mais elle est aussi européenne. Quel nom donner à une politique qui encourage toutes les privatisations, y compris celles des services publics, comme La Poste ou notre système de santé ? Comment qualifier la politique qui supprime massivement des postes d'enseignants, fait religion d'affaiblir la Fonction publique, rend inaccessible la retraite à taux plein pour mieux favoriser des systèmes assuranciels privés [1] ? Un seul adjectif convient : ultralibéral. Un ultralibéralisme en parfaite symbiose avec la politique européenne et la doctrine de l'administration Bush. Il y a une cohérence dans tout cela.

Et c'est misère d'entendre le socialiste Manuel Valls dire qu'il y a « deux Sarkozy ». Il y en a deux si l'on croit à son affichage antilibéral de « refondateur du capitalisme ». Mais il n'y en a qu'un seul si l'on ne mord pas à l'hameçon. Tout de même, quelque chose est encourageant dans tout cela : si une partie de l'opinion est bluffée par l'agitation transatlantique de notre président, les salariés, eux, ne sont pas dupes. Ils se remobilisent de plus belle. En témoigne l'impressionnant succès de la manifestation d'enseignants, dimanche dernier. Le combat pour la défense de La Poste revient dans l'actualité, et les retraités ne sont pas en reste. La débauche de milliards pour sauver le système bancaire joue comme un aiguillon. Et notre société a les nerfs à fleur de peau."

Notes
[1] Ce système auquel nous résistons et qui montre aujourd'hui sa fragilité au moment où les fonds de pension commencent à boire la tasse.










Quelle politique face à la mondialisation?

Intervention de Jean-Pierre Chevènement au forum



"Quelle alternative politique dans la mondialisation", organisé par le PS, le MRC, le PCF, le PRG et le Verts, mardi 21 octobre 2008.




Nous avons un devoir de lucidité. A moins de quatre ans de la prochaine élection présidentielle, la gauche française est-elle en état d'apporter une réponse convaincante au défi immense de la crise actuelle ? Maryse Dumas nous a demandé de créer la confiance. Mais les deux économistes nous ont alerté sur la profondeur de la crise. « Pessimisme de l'intelligence, optimisme de la volonté », jamais l'exhortation de Gramsci n'a été plus actuelle.

I – D'abord comprendre

 

La crise actuelle n'est pas seulement celle du capitalisme financier. Elle s'enracine dans de profonds déséquilibres économiques et géopolitiques.

A) Le capitalisme financier a pris le pas sur le capitalisme industriel à la faveur de la « globalisation » voulue par les Etats-Unis. La crise actuelle clôt un cycle entamé dans les années soixante-dix avec le flottement des monnaies et poursuivie, sous l'impulsion de Mme Thatcher et de M. Reagan, par une dérégulation progressivement généralisée de l'économie mondiale. De cette dérégulation, l'Europe libérale a été le relais à travers l'Acte Unique négocié en 1985 et ratifié en 1987, et le traité de Maastricht signé en décembre 1991.

Le capitalisme financier a peu à peu imposé sa loi, celle de « l'acquisition de valeur pour l'actionnaire », avec l'ouverture généralisée des marchés notamment ceux des capitaux (France 1990), les privatisations, la fin de toutes les protections (OMC), la mise en concurrence des territoires et des mains d'œuvre et son cortège de délocalisations. Des politiques d'abaissement du coût du travail, qu'a stigmatisées Maryse Dumas, en ont naturellement résulté. A la faveur d'une véritable dictature de l'actionnariat, l'habitude s'est prise d'exiger des taux de rentabilité mirobolants, évidemment impossibles à satisfaire à long terme.

Cette frénésie d'enrichissement sans cause s'est traduite par des « bulles financières » successives : 1997-98 (crises asiatiques et russe), 2000 (éclatement de la bulle technologique) 2007-2008, crise des subprimes, la plus grave de toutes car elle touche le système en son cœur. C'est la fin d'un cycle de trente ans.

B) Cette crise traduit non seulement les excès du capitalisme financier lui-même (la « titrisation ») mais des déséquilibres économiques et géopolitiques plus profonds.

• Déséquilibres économiques : fuite en avant dans l'endettement et les déficits aux Etats-Unis ; excédents et thésaurisation en Chine, au Japon, dans les pétromonarchies, mais aussi en Allemagne dont l'excédent commercial (200 Milliards d'euros) a ceci de particulier qu'il se fait à 75% sur ses voisins de l'Union européenne.
• Déséquilibres géopolitiques aussi : la « surextension » de l'Empire américain décrite par Paul Kennedy est devenue évidente : les Etats-Unis vivent au-dessus de leurs moyens et n'ont plus les moyens de dominer seuls le monde. L'enlisement au Moyen-Orient le démontre.

C) La récession risque d'être longue car ces déséquilibres ne se corrigent pas en un jour : épargne des ménages US (moins de 1 % de leurs revenus) – mode de vie américain dispendieux et énergétivore – le rétablissement des comptes par la réindustrialisation ne peut se faire que dans la durée.

Le rétablissement des équilibres de l'économie américaine n'est guère compatible avec le libre-échangisme déséquilibré qui prévaut aujourd'hui entre des pays de niveau économique et social hétérogène. Ce retour au protectionnisme peut être limité par un plan de relance coordonnée à l'échelle mondiale où les pays excédentaires : Chine-Japon. Allemagne, donc Europe, serviraient de « locomotives ». Mais l'instauration de protections est aussi inévitable que souhaitable aux Etats-Unis et en Europe pour des raisons sociales et environnementales.

Quant aux pays émergents il est probable qu'ils devront privilégier davantage le développement de leur marché intérieur et la prise en compte de leurs besoins sociaux. C'est un nouveau modèle de développement qu'il faut inventer, avec notamment le souci de limiter les émissions de gaz à effet de serre.

La lucidité s'applique aussi à l'action. Sachons nous défier des chimères et garder les yeux ouverts.


II – La réponse à la crise est et ne peut être qu'à la fois nationale et internationale. Elle remet en cause toutes les sacrosaintes règles du néolibéralisme.

A) La réponse est d'abord nationale.

• Les Etats-Unis ont donné le branle avec le Plan Paulson d'abord amendé par le Congrès puis par l'Administration américaine elle-même ;
• L'Europe a suivi par un enchaînement de décisions nationales progressivement coordonnées : G4, le 4 octobre, puis dans les jours suivants : Eurogroupe à quinze + Grande Bretagne ; Union européenne à 27.

C'est une Europe des cercles qui s'est mise en mouvement. Les modalités et l'ampleur de la réponse diffèrent d'un pays à l'autre pour des raisons diverses et souvent légitimes (RFA : système bancaire décentralisé).

Le fait national a ainsi éclaté en plein jour : Seuls les Etats nationaux ont la légitimité démocratique pour agir par gros temps.

Les « autorités » européennes sont condamnées à suivre ou à s'effacer : Commission – Banque Centrale européenne qui a dû baisser ses taux, contrairement à la volonté de M. Trichet exprimée quelques jours auparavant.

La désuétude des règles européennes inscrites dans les traités est justifiée au nom de « circonstances exceptionnelles » (Jouyet, 3 octobre, interview aux Echos) :
• Principe de la concurrence libre et non faussée (le principe que rappelait encore le protocole n° 6 du traité de Lisbonne) ;
• Prohibition des aides d'Etat.

Les critères de Maastricht en matière de dette et de déficit sont « explosés ». Bref, « nécessité fait loi ».

Une contradiction majeure apparaît ainsi entre le texte et la philosophie des traités telle que la Commission les interprétait et la nécessité urgente de l'intervention des Etats. Les idéologues du libéralisme et les dirigeants patronaux se dressent contre les remises en cause qu'ils observent ou plus encore, devinent à l'horizon.


B) Les décisions nationales doivent être et ont été jusqu'ici internationalement coordonnées.

Un nouveau Bretton Woods ?

Il est difficile de revenir à des parités stables sans corriger les déséquilibres économiques de fond.

Le contenu d'un nouveau Bretton Woods ne peut se borner à quelques corrections comptables ou prudentielles. La « régulation » doit aller beaucoup plus loin jusqu'à l'interdiction des paradis fiscaux. Surtout un nouveau Bretton Woods implique d'abord un plan de relance coordonné pour corriger les déséquilibres économiques fondamentaux. Ensuite, on pourra fixer des fourchettes aux parités monétaires si la volonté politique est au rendez-vous et réformer l'ensemble des institutions internationales.

C) Une nouvelle redistribution du pouvoir est inévitable.

Elle n'ira pas sans tensions :

1. La tentation d'une fuite en avant dans la guerre doit être conjurée (Iran, Pakistan, Russie, Chine).

2. Les Etats-Unis doivent redevenir la grande nation qu'ils sont : Ils n'ont plus les moyens d'une domination universelle, mais ils restent « la nation indispensable » que Mme Allbright évoquait, sans s'y être vraiment résignée, comme on l'a vu dans les Balkans en 1999.

3. Le monde multipolaire est déjà une réalité. Sachons l'organiser sur la base du droit, c'est-à-dire dans le cadre de l'ONU et d'institutions internationales rénovées, FMI, Banque Mondiale, OMC, OIT, Organisation mondiale de l'environnement, etc.

La France et l'Europe doivent y trouver leur place car il serait paradoxal que la France et l'Europe cessent d'être un pôle dans un monde devenu multipolaire. La France a un rôle particulier à jouer pour combattre l'idée d'un « choc des civilisations ».


III – La gauche a un très bel espace à occuper et une tâche historique à remplir

1. Pour renouer à la fois avec l'idée de progrès social et avec les couches populaires,

L'idée de service public n'a jamais été aussi moderne (hôpital public, logement, éducation, mais aussi eau et ressources rares, crédit car la recapitalisation des banques par l'Etat doit se traduire par des participations publiques au capital et par une politique de transformation de l'épargne au profit de l'investissement, avec un changement inévitable des équipes dirigeantes). Un nouveau modèle de développement est à construire : plusieurs révolutions technologiques sont devant nous. Sachons en prendre les moyens.

2. Mais la gauche ne pourra devenir hégémonique qu'à une condition impérative : qu'elle reprenne le drapeau du patriotisme républicain qu'elle a laissé échapper, qu'elle se réapproprie l'idée nationale (≠ nationalisme). C'est une gauche refondée sur une base républicaine qui peut à nouveau faire aimer la France à tous ceux qui l'habitent. C'est parce que nos élites ont abandonné le patriotisme, le drapeau et la Marseillaise à Le Pen, que la signification même des symboles nationaux s'est perdue et pas seulement chez les immigrés. Comment en effet faire aimer par d'autres un pays qui ne s'aime pas lui-même, qui laisse piétiner son Histoire et son identité par tous les communautarismes, par les contempteurs de l'idée nationale et par tous ceux qui voient dans la France un obstacle à leurs ambitions ? Oui, la gauche, pour être audible, doit se remettre à la hauteur de la France car l'Histoire de la France n'est pas finie. On peut être européen sans renvoyer la France aux oubliettes.

3. L'avenir, en effet, n'est pas à une Europe libérale et technocratique. Il n'est pas non plus à une Europe fédérale dont ni la Grande-Bretagne, ni les PECO, ni les pays nordiques ni même l'Allemagne ne veulent (je ne parle pas du peuple français auquel on ne demande plus son avis). Il est à une Europe des peuples, des nations donc des Etats (autant de gros mots), une Europe à géométrie variable et s'assumant comme telle.

Sans être fédéraliste, mais seulement euroréaliste, on peut souhaiter un gouvernement économique de la zone euro, pour le jour où l'Allemagne l'acceptera. Tel n'est pas le cas aujourd'hui, mais on peut toujours espérer. Cultivons le principe : « Autant d'Europe que possible, mais autant de France que nécessaire ».

Le problème de l'Europe c'est en grande partie le problème de l'Allemagne. Il faut aider celle-ci à penser l'intérêt européen en même temps que l'intérêt du monde du travail en Allemagne. Cela n'est sans doute possible en Allemagne que par le rapprochement entre le SPD et « Die Linke ». Une victoire ou même un redressement de la gauche en France dynamiserait ce processus.

4. Je voudrais terminer sur une idée simple.

La gauche doit créer un électrochoc, si elle veut devenir majoritaire dans le pays. Il n'y a aucune raison pour que nous ne nous retrouvions pas tous dans un même parti. Nos divergences sont réelles, mais elles n'empêchent nullement la coexistence dans une même organisation démocratique de sensibilités radicales au sens étymologique du terme, et de sensibilités plus gestionnaires. C'est même une condition d'une victoire électorale possible.

Les cartes sont sur la table. J'ai envie de dire « A vous de jouer ! » Le PS et le PCF tiendront leur Congrès en novembre et décembre prochains. J'espère qu'ils feront avancer à la fois l'idée d'une réorientation profonde, à la hauteur du défi immense qui est devant nous et l'idée d'une grande organisation de toute la gauche qui donnerait le signal d'un nouveau départ. Et puisque certains sont encore réticents devant l'idée d'un grand parti, bâtissons au moins sans tarder une Confédération qui serait chargée d'organiser en 2011 des primaires ouvertes à tous les militants et à tous les sympathisants pour désigner le candidat de la gauche à la présidentielle de 2012. Cela aurait de la gueule. Cela ferait se lever de grands débats et souffler sur le pays le vent du renouveau !

 



13/10/2008
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