611-des pierres contre des chars 2 posts

Dur chemin ...
dessin de Delize Yahoo cartoons

Pour La Tribune de Genève ,Spécialiste du Tibet, Katia Buffetrille remet les émeutes actuelles dans leur contexte historique, économique et religieux.
Florence Perret

Les manifestations qui embrasent les régions tibétaines prennent une ampleur jamais vue, explique Katia Buffetrille, ethnologue-tibétologue à l'Ecole pratique des hautes études de la Sorbonne.

Quelle est votre réaction face aux manifestations des Tibétains?
Ma première réaction, c'est l'angoisse. La répression est très féroce, l'armée est partout dans les anciennes régions tibétaines du Kham et de l'Amdo. Les Tibétains sont totalement désemparés: c'est une réaction de désespoir que d'aller lancer des pierres contre des tanks! C'est la première fois que les manifestations prennent une telle ampleur. Même celles de 1989 n'étaient pas si étendues.

Qu'entend-on par «anciennes régions tibétaines»?

Les frontières actuelles du Tibet, donc ce qu'on appelle la Région autonome du Tibet, n'est de loin pas tout le Tibet. Cela correspond à une délimitation administrative imposée par les Chinois en 1965. Il faut y ajouter les régions tibétaines au Gansu, au Yun'nan, au Sichuan et au Qinghai.

Donc un territoire conséquent.

Oui! On comprend bien le «souci» de la Chine. Enlevez-lui le Tibet et toutes les régions tibétaines et c'est le quart du territoire qui disparaît. Sans parler de la position géostratégique du Tibet.

Les Tibétains sont-ils empêchés de pratiquer leur religion?

Même s'il est stipulé dans la Constitution que la liberté de croyance religieuse est respectée, la réalité est autre. Au Tibet, on va bien sûr voir des moines, des cérémonies, on ne peut donc pas parler d'interdiction totale. Mais posséder une photo du dalaï-lama est strictement interdit. Les jeunes Tibétains doivent suivre des cours d'éducation patriotique. Dans les monastères, il y a des quotas de moines imposés par le gouvernement. Quant à la langue, elle est en danger car tout l'enseignement et toute l'administration sont en chinois.

Mais surtout, toute personne qui travaille pour l'Etat n'a pas le droit d'exercer sa religion.

De plus, il y a une nouvelle loi depuis septembre dernier qui stipule que Pékin décide seul de toutes les réincarnations chinoises. Evidemment, cela vise surtout le prochain dalaï-lama.

La religion et la culture sont-elles les seules explications du drame?

Il y a en plus une énorme frustration économique et une forte migration de Han. Surtout depuis l'ouverture de la ligne de train Pékin-Lhassa en 2006. On peut donc tout à fait parler de colonisation!

Pourtant, le Tibet avant l'invasion des communistes n'était pas le paradis tel qu'on imagine.

Effectivement, il y avait du sevrage, de l'esclavage même. La société était très hiérarchisée, seul le clergé et les nobles pouvaient être propriétaires terriens. Mais à la fin du XIXe, des réformes ont été entreprises par le XIIIe dalaï-lama (1876-1933), qui a même aboli la peine de mort en 1898.

Pas un pays de rêve, donc.

Personne au Tibet ne souhaite revenir en arrière. Mais ça ne veut pas dire que le Tibet n'aurait pas pu se développer sans les Chinois. Et les Tibétains ont énormément subi, notamment durant la révolution culturelle qui a été bien pire au Tibet que dans le reste du pays.

Avez-vous pu obtenir des nouvelles du Tibet ces derniers temps.

Non, je n'ai pas de nouvelles. Et je n'appellerai personne actuellement, c'est trop dangereux.



26/03/2008
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