4998-Polémique sur la baguette discount à 29 centimes : génération mitron
Polémique sur la baguette discount à 29 centimes : génération mitron
Baisse de la consommation, qualité moindre, dévalorisation du produit, concurrence déloyale… La baguette de pain entre dans le dur. Ce symbole de la gastronomie française, inscrit au patrimoine immatériel de l’Unesco, traverse une crise sans précédent. L’offensive sur les prix lancée par les géants du discount a mis en évidence les difficultés traversées depuis de nombreuses années par la filière. Les artisans boulangers, qui devaient déjà faire face à la concurrence des "cuiseurs de pain", ces franchises standardisées qui se multiplient dans les villes, sont attaqués par Lidl et Aldi avec des baguettes à 29 centimes !
Ces pains vendus à vil prix sont une insulte à une profession déjà fragilisée, qui subit année après année les avanies de la modernité. La boulangerie, c’est l’odeur de l’enfance, celle du pétrin frais et du pain tout juste sorti du four. L’homme qui apparaissait parfois en tricot de corps dans le magasin, les bras couverts de farine et la paupière lourde de sommeil, avait choisi de se sacrifier en se levant au milieu de la nuit pour nous offrir un régal de baguettes auxquelles on rendait immédiatement hommage en dévorant les quignons. Ces 250 grammes de bonheur arrivaient rarement indemnes sur la table de midi !
La nostalgie de la "génération mitron" ne pèse pas lourd, hélas. Et les grandes surfaces n’ont aucun scrupule à dévaloriser un produit séculaire comme s’il s’agissait d’un litre d’essence vendu à prix coûtant. Méfiez-vous des contrefaçons : une vraie baguette ne peut raisonnablement coûter moins de 30 centimes. À ce prix-là, c’est de la poudre aux yeux, pas de la mie de pain. Le consommateur achète une pâte congelée cuite dans l’arrière-salle du rayon traiteur. Dépourvue de goût, d’histoire et d’âme…
La qualité a un prix, environ 1,20 € pour une baguette tradition vendue dans une boulangerie artisanale. Le brave fournier, déjà étranglé par le coût de l’énergie, n’a plus la moindre marge de manœuvre sur ses prix. Écrasé par certaines taxes, dont la dernière sur l’emballage, boudé par les jeunes consommateurs qui préfèrent des pains de mie industriels, le boulanger doit trouver de nouvelles sources de revenus. La vente de pain ne représente ainsi que 40 % de son activité, selon la Confédération nationale de la boulangerie-pâtisserie. La baguette, autrefois souveraine sur les étals en bois clair, a dû céder du terrain aux quiches, sandwiches et pizzas.
Pour l’instant, les commerces s’en sortent à peu près : il y a bon an mal an autant de créations que de fermetures. Mais ce sont encore les grandes enseignes, les boulangeries de ronds-points comme on les appelle, qui tirent leur épingle du jeu. On doute fort que Marie Blachère en personne se lève à 2 heures du matin pour préparer son pétrin. Le pain, c’est artisanal. Épi c’est tout !