4174-Obsolescence de la classe politique
Obsolescence de la classe politique
Les chefs de parti continuent de croire qu’ils peuvent imposer leur programme à un Parlement sans majorité : ils condamnent la France à la crise politique permanente.

Le Proche-Orient aborde un nouveau chapitre de sa tragique histoire ; Poutine bombarde l’Ukraine et défie les démocraties ; Trump bouleverse le commerce mondial ; la France ploie sous la dette et s’enlise dans la stagnation économique ; la société se fracture chaque jour davantage. Au milieu de ces crises multiples, la classe politique française se pose des questions fondamentales : Retailleau et Wauquiez vont-ils s’accorder pour rejoindre Lecornu ? Le PS obtiendra-t-il un impôt sur les riches de 5 ou 10 milliards ? La gauche va-t-elle organiser une primaire dans un an ? Telle est la hiérarchie des urgences définie par les dirigeants des partis.
Certes, ce résumé est sommaire. La classe politique réfléchit aussi aux grands problèmes du moment. Mais sur la scène publique, elle apparaît surtout pour alimenter l’interminable feuilleton manœuvrier né de la dissolution de 2024. On dira : ce sont les électeurs qui ont mis les élus dans cette situation. En privant quiconque de majorité absolue, ils les obligent à se contorsionner pour trouver d’introuvables majorités. Quand l’électorat se répartit en trois blocs, chacun étant lui-même divisé, les tractations byzantines sont inévitables.
À moins, bien sûr, que les élus cessent de considérer que nous sommes encore sous le règne de l’ancienne Vème République, quand le fait majoritaire était la norme. Tels ces personnages de dessin animé qui continuent de courir alors qu’ils sont au-dessus du vide, les chefs de parti continuent de croire qu’ils auront un jour une majorité absolue pour appliquer tout leur programme et rien que leur programme, comme c’était le cas jusqu’en 2017. Or cette perspective est totalement invraisemblable. Selon toute probabilité, aucun parti ne pourra plus gouverner seul. À moins, bien sûr, que le Rassemblement national ne l’emporte.
Dès lors une tout autre attitude s’imposait : négocier un compromis transpartisan pour deux ans, fondé sur deux ou trois réformes consensuelles, et, plutôt que de revendiquer un pouvoir impossible à exercer seul, renvoyer à la présidentielle de 2027 le choix d’une stratégie pour la France. Au lieu de cela, on a choisi la crise permanente, la valse des ministères, l’impuissance brouillonne et une bataille verbale vindicative qui couvrait l’immobilité gouvernementale. La classe politique n’a pas compris que l’époque avait changé : elle continue d’envisager l’avenir avec les méthodes du passé. Elle doit maintenant apprendre, comme il est de règle en Europe, à bâtir des majorités par le compromis, plutôt que rêver de voir l’ancien temps revenir.