En finir avec le sectarisme. L’édito de Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est directeur délégué de « La Tribune Dimanche »
LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI
Bruno Jeudy est directeur délégué de « La Tribune Dimanche »
LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI
Depuis sa nomination il y a près de quatre semaines, Sébastien Lecornu cultive la discrétion. Sans doute a-t-il appris les vertus du silence à la tête du ministère de la Grande Muette ! Mais si le goût du secret peut avoir ses vertus, à trop forte dose, il devient contre-productif. L’actuel hôte de Matignon semble l’avoir compris : ces derniers jours, il a livré quelques indices de sa méthode et des bribes du futur budget.
Dévoiler son programme par petites touches, c’est faire de l’impressionnisme politique au risque de brouiller les lignes, d’égarer l’opinion et de désorienter les commentateurs. Ce style tranche avec celui de ses prédécesseurs Michel Barnier ou François Bayrou, qui avaient opté pour une pédagogie plus brutale en matière d’efforts budgétaires. Les Français, lassés des annonces foudroyantes du Jupiter de l’Élysée, seront-ils plus réceptifs à la prudence sibylline de Lecornu ?
Pour apaiser un Parlement fragmenté par la dissolution, il choisit de renoncer au 49.3. Une décision inédite, qui veut signaler l’amorce d’une culture du compromis, rendue nécessaire par l’émiettement de la représentation politique. Les longues tractations en cours avec les syndicats et les partis confèrent à la séquence actuelle des airs de IVe République sous la Ve. Étonnant pour un Premier ministre qui revendique l’héritage de Pierre Messmer et du général de Gaulle.
L’ancien maire de Vernon se présente en équilibriste, temporisateur. Il semble avoir retenu le sage conseil de Tocqueville : « Ce que le vulgaire appelle du temps perdu est bien souvent du temps gagné. » En étirant les négociations, il tente de construire des majorités d’idées, sujet par sujet. Aux socialistes, il propose une taxation du patrimoine financier ; aux syndicats, des avancées sur la pénibilité et les carrières des femmes en matière de retraite. Et à la droite, il révèle dans La Tribune Dimanche son grand plan de lutte contre la fraude sociale.
Pas certain que cela suffise pour échapper à la censure immédiate que lui promettent les siamois de la radicalité et de l’intransigeance Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. En attendant et avant d’entrer dans l’arène parlementaire, l’équilibriste de Matignon cherche à esquiver les coups de la gauche radicale sans pour autant s’exposer aux attaques des macronistes ou des Républicains, en refermant la porte à la taxe Zucman et à l’abrogation de la réforme des retraites.
Ce n’est pas de la grande politique, mais en politique on gagne toujours à faire baisser le sectarisme. Chacun est désormais placé devant ses responsabilités.
À défaut d’union nationale, il faut au moins un compromis pour que la France soit gouvernable.
Le contexte économique l’exige : croissance à l’arrêt, chômage en hausse, consommation en berne, investissements au ralenti… Artisans, PME et grands groupes ne peuvent attendre 2027 en subissant l’inaction née des calculs politiciens. Il serait incompréhensible que, contrairement aux grandes démocraties européennes, la patrie des Lumières soit incapable de trouver un chemin d’entente. Voltaire nous avait prévenus : « La discorde est le plus grand mal du genre humain, et la tolérance en est le seul remède. »
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 376 autres membres