EDITO.

Jean-Claude Souléry, éditorialiste à La Dépêche du Midi.

  • Jean-Claude Souléry, éditorialiste à La Dépêche du Midi. DDM
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Jean-Claude Souléry DDM

Nous serions alors seuls au monde ! Avec un plus gros salaire, sans ces cotisations sociales diverses qui chaque mois l’amputent et qu’on peut voir alignées sur notre feuille de paie – cotisations pour la retraite, pour l’assurance maladie, cotisations chômage, etc. –, mais avec la liberté d’adhérer pour notre protection sociale à une compagnie privée de notre choix. Une véritable augmentation du pouvoir d’achat ou, au contraire, un piège social qui ne dit pas son nom ?

Autant dire que la fin des cotisations sociales bouleverserait profondément nos habitudes et remettrait en cause le principe de solidarité qui est à la base de notre société. Car accepter comme aujourd’hui de cotiser sur notre salaire brut, c’est participer au financement de la protection sociale, non seulement pour nous-mêmes mais aussi pour l’ensemble de la société. Ce système solidaire, élaboré en France voici quatre-vingts ans, au lendemain de la Seconde guerre mondiale, repose sur un principe simple : il permet à chacun d’entre nous d’assurer notre propre protection mais aussi de porter assistance aux plus vulnérables, c’est-à-dire garantir pour tous une assurance collective face aux aléas de la vie. Remettre en cause ce contrat social, ce serait en quelque sorte remettre en cause l’un des principes essentiels de notre contrat républicain.

 

Pour autant, l’allongement de la durée de vie, le vieillissement de la population et la part toujours croissante des retraités, l’augmentation du coût de la santé et de technologies toujours plus pointues, tout cela pèse de plus en plus lourdement sur les finances dédiées à la Santé, et, par conséquent, sur le budget de la nation. À l’heure où ce budget devient un vrai casse-tête pour le pouvoir exécutif, certaines voix suggèrent de réduire en priorité les « dépenses publiques » – sous-entendu les « dépenses sociales ».

Comme on dit, « la Sécu coûte cher », et les idées de réformes – réforme des retraites, projet de réforme de l’assurance-chômage – ne manquent pas, mettant souvent de méchants coups de canif au principe de solidarité. Déjà, l’idée d’un système de retraite par capitalisation à destination des salariés les plus aisés gagne chaque année de nouveaux partisans qui cotisent d’eux-mêmes auprès d’organismes privés pour mieux assurer leurs vieux jours. Un complément pour la retraite, d’accord – mais un modèle à généraliser et ce serait dangereux pour notre contrat social.

Il serait grave en effet que s’installe dans notre système social un « chacun pour soi » qui, peu à peu, privilégierait des solutions individuelles, ce serait choisir l’égoïsme et l’enfermement contre l’entraide et la solidarité. Supprimer certaines cotisations sociales serait un marché de dupe qui reviendrait à financer la Santé uniquement par l’impôt, c’est-à-dire reprendre d’une main ce qui a été accordé de l’autre. Pourrait-on vraiment se réjouir d’être alors seul au monde ?