4156-EDITO. Donald Trump et la science : bienvenue en idiocratie

EDITO. Donald Trump et la science : bienvenue en idiocratie

Nicolas Moscovici

  • Nicolas Moscovici DDM
Publié le 

"Uranus, astre sombre, gouvernait les destinées." Telle était la puissante évocation de Marcel Aymé pour décrire une force supérieure – en réalité la lâcheté des hommes – qui commandait les comportements irrationnels, destructeurs et souvent grotesques dans une France d’après‑guerre avide de vengeance. Comparaison n’est évidemment pas raison, mais il existe quelque chose d’indomptable, d’incontrôlable dans le dérèglement intellectuel qui frappe de nouveau les États‑Unis depuis le retour de Donald Trump à la Maison‑Blanche.

On le sait et on ne le découvre pas, le président américain est un ennemi du fait scientifique, surtout quand celui-ci vient contrecarrer ses intuitions ou ses propres vues idéologiques. L’écologie et les enjeux du changement climatique font sans nul doute figure d’ennemi numéro 1. Mais, on l’avait vu lors de la crise Covid, les questions de santé sont aussi dans le viseur du dirigeant le plus puissant du monde. En ce sens, la nomination de "l’antivax" Robert F. Kennedy à la tête du ministère de la Santé en est l’illustration la plus parlante.

Mais pourquoi, finalement, un tel acharnement, dans un pays où la couverture médicale se situe loin des standards européens et où l’espérance de vie est inférieure de quatre ans par rapport au Vieux continent ? En comprendre les ressorts revient à plonger dans la nuit qui efface l’Amérique de la raison et qui, pan après pan, transforme le pays en une "idiocratie" brutale, seulement gouvernée par les émotions.

En assimilant les troubles autistiques à la prise de paracétamol (!) ou, dans la même conférence de presse, en cherchant à décourager les parents de faire vacciner leur bébé contre l’hépatite B, Donald Trump discrédite la science et sa dynamique de recherche complexe pour imposer une vérité alternative plus "simple" et surtout plus compatible avec les émotions de ses partisans. La connaissance devient suspecte, l’expertise est assimilée à un discours manipulateur, à une "fake news". Dans le même ordre d’idées, la piqûre n’est plus perçue comme un acte de santé publique mais comme une intrusion de l’État, voire une machination des élites.

On touche alors du doigt le drame de notre époque, bien au-delà des seuls Etats-Unis : servi par un discours politique percutant et propulsé par des réseaux sociaux inaltérables, le plus grossier des relativismes est désormais admis et devient même un sujet de débat sérieux. La vérité devient alors négociable : ce n’est plus "vrai ou faux", mais "j’y crois ou je n’y crois pas".

Saisissant, ce renversement agit comme un poison lent dans des démocraties aujourd’hui en perte totale de repères. Quant à la riposte, qui devrait consister en un sursaut d’éducation, d’information et de transparence, elle peine trop souvent à percer le mur du son. Et pendant ce temps, Uranus, l’astre sombre, continue de flotter au-dessus de nos têtes.



29/09/2025
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