4152-Le séisme
Le séisme
Cinq ans de prison. Association de malfaiteurs. Il faut placer
bout à bout ces deux expressions réservées habituellement
à d’autres cercles et se répéter en boucle la phrase ainsi
constituée pour bien mesurer l’ampleur du séisme qui a
frappé notre République ce jeudi en milieu de journée : l’ancien président
de la République française Nicolas Sarkozy a été reconnu coupable
dans l’affaire du financement libyen de sa campagne 2007 et
condamné en première instance à cinq ans de prison pour association
de malfaiteurs. Relisez bien. Oui, pas d’erreur.
Quelle que soit la suite de cette histoire, mandat de dépôt différé, appel
de la condamnation, demande de libération conditionnelle, rien ne
sera plus jamais comme avant dans notre Histoire. Et l’échelle de Richter,
graduée jusque-là, pêle-mêle et dans le désordre, par autant d’affaires,
du bracelet électronique du même condamné dans celle des
écoutes, aux deux ans avec sursis pour Jacques Chirac – premier Président
condamné – avec les emplois fictifs de la mairie de
Paris, en passant par Jérôme Cahuzac, ministre du Budget
coupable de fraude fiscale, ou encore François Fillon et l’affaire
Pénélope, et on en passe, cette échelle-là est aujourd’hui
pulvérisée.
La bonne nouvelle pourrait être que, dans notre République basée sur
la séparation des pouvoirs, la justice a tranché, net. Et librement, évoquant
« des faits d’une gravité exceptionnelle de nature à altérer la
confiance des citoyens en ceux qui les représentent ». Pourrait. Parce
que la mauvaise vient en suivant, avec une classe politique aussi prévisible
qu’incorrigible, de la droite dite républicaine – selon l’expression
consacrée – s’empressant de fustiger la décision des juges à la gauche
traditionnelle qui aurait été mieux inspirée de ne pas en rajouter.
Comme les premières répliques d’un séisme parti pour polariser de
plus belle notre pays déjà bien assez fracturé. Et alimenter le lancinant
refrain du « tous pourris », vider les isoloirs ou pousser aux extrêmes,
c’est au choix. Et ce, avant même que le pouvoir judiciaire ne décide
définitivement du sort de Marine Le Pen, toujours empêtrée dans
l’affaire des assistants parlementaires.
Dans une France sans majorité à l’Assemblée, sans budget et sans
gouvernement, on n’enviait déjà pas les nuits de Sébastien Lecornu.
Même « tête haute », celles de Nicolas Sarkozy seront fatalement agitées.
Après un choc pareil, l’insomniaque Emmanuel Macron devra,
lui, être sacrément inventif pour que ses concitoyens dorment de nouveau
sur leurs deux oreilles.
Éditorial SUD OUEST Jean-Pierre Dorian
Dans notre République
basée sur la séparation
des pouvoirs, la justice
a tranché, net