• Lionel Laparade. / DDM.
    Lionel Laparade. / DDM.  - LAURENT DARD
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Lionel Laparade

S’ils nous regardent de là-haut, que se disent Valéry Giscard-d’Estaing, François Mitterrand et Jacques Chirac à propos de l’agonie morale, économique et politique de la France, de l’effondrement de ses valeurs et de l’extinction de ses lumières ?
Convoquer le souvenir parfois controversé des "ex" à cet instant de notre histoire, et avec lui les grandes réformes – droit à l’avortement, abolition de la peine de mort, puissance de la parole tricolore à l’ONU – qui ont marqué leur passage est d’autant plus désespérant et cruel qu’au départ du troisième en 2007, une page disait-on se tournait. Après lui qui fût aussi condamné, nous allions changer d’ère, faire meilleures République et Démocratie à dos de modernité, partir à la conquête du "Nouveau monde" dont Emmanuel Macron s’est prétendu le découvreur en 2017.
Or, presque deux décennies après la retraite du "Grand Jacques", la peine de cinq ans de prison ferme prononcée contre Nicolas Sarkozy n’est pas qu’une affaire de personne, fût-elle un ancien chef de l’État. Pour les peuples qui nous regardent et nous ont admirés, c’est une étape de plus dans notre inexorable déclin, peut-être même le dernier clou planté sur le cercueil de notre grandeur…
Alors qu’un nouveau record vient d’être franchi avec 3 400 milliards d’euros de dette souveraine, que le troisième gouvernement depuis la dissolution chancelle avant d’avoir composé, et que dans l’hypothèse de la chute de Sébastien Lecornu, un retour des électeurs aux urnes pourrait ouvrir au RN les portes du pouvoir, Nicolas Sarkozy n’a pas tort de considérer sa condamnation comme une "humiliation" supplémentaire faite au pays déglingué. Elle ajoute au sentiment que "décidément, rien ne va plus".
Il s’en trouvera sans doute, ici comme à l’étranger, pour saluer le jugement, l’audace des magistrats qui, ce faisant, donnent à voir une nouvelle image de la France. Hier, elle coupait la tête de ses rois, aujourd’hui, elle embastille l’un de ses anciens présidents.
Il s’en trouvera pour approuver, à raison, le principe de la saine confrontation du pouvoir et de ceux qui l’exercent, avec les contre-pouvoirs dont s’est munie la démocratie.
Mais il s’en trouvera aussi – on les entend déjà – pour dénoncer les excès d’une justice revancharde, qui attendait son heure pour se venger d’un président de la République qu’elle a détesté. D’autres s’indigneront de la sévérité de la peine en l’absence de preuve réelle du "pacte de corruption" pour lequel était poursuivi Nicolas Sarkozy, et d’autres encore condamneront l’injustice du principe d’exécution provisoire utilisé contre la représentation politique au motif de son exemplarité.
Il s’en trouve enfin, et non des moindres, qui ne disent rien. Leur silence suggère peut-être qu’inverser la morale du "Selon que vous soyez puissant ou misérable" de Jean de la Fontaine ne la rend pas forcément plus convenable…