Ce sont au moins deux bons réflexes. Pour sa première prise de contact avec les Français dans le costume de Premier ministre, Sébastien Lecornu s’est tourné vers la presse quotidienne régionale, dont La Dépêche du Midi. L’occasion pour cet inconnu du grand public, malgré huit années consécutives dans les gouvernements successifs d’Emmanuel Macron, de s’adresser au "vrai pays". Celui qui, majoritairement, s’exaspère du marasme politique post-dissolution. Celui que l’on a vu en partie dans les rassemblements du 10 septembre. Celui qui devrait manifester en masse jeudi prochain à l’appel des syndicats.

Fendre l’armure par le truchement de la presse locale confère une symbolique supplémentaire à la seconde bonne idée de Sébastien Lecornu : abandonner le projet de deux jours fériés travaillés lancé par son prédécesseur afin de combler les déficits publics. L’ancien ministre des Outre-mer s’arrache aussitôt ce sparadrap du capitaine Haddock. Au passage, il referme aussi prestement la brouillonne et pénible page François Bayrou.

Toutefois, les lignes du chapitre qui s’ouvre sont encore à écrire et Sébastien Lecornu le sait, il ne sera pas le seul à tenir le stylo – ni la gomme. En acceptant le poste, l’ex-ministre des Armées place son destin entre le marteau présidentiel et l’enclume des oppositions parlementaires. Si l’on écarte La France Insoumise, dont la seule et unique cible réside à l’Élysée, le reste de la gauche comme le Rassemblement national attendent avec un appétit féroce les "ruptures" promises par l’impétrant.

Pour l’heure, rien de bien concret toutefois : sur la question de la fiscalité des hauts revenus, le Premier ministre entretient le flou. Quant à la réforme des retraites, une remise en cause ne semble pas à l’ordre du jour. Alors ? Tandis que Michel Barnier a vu le RN lui mordre la main qu’il tendait à Marine Le Pen et que François Bayrou s’est consumé en dramatisant à outrance la situation de nos comptes publics, quelle sera la méthode Lecornu pour tenter d’arracher un Budget pour la France ?

En s’appuyant sur un socle commun déjà rudement éprouvé, l’ancien sénateur normand promet un dialogue nouveau avec le Parlement. Mais qu’il ne s’y trompe pas : comme ses prédécesseurs, il jouera seul contre tous. De quoi tester les limites de celui qui est volontiers décrit comme un homme de dialogue et de compromis. Et si des langues vachardes le surnomment "Tefal" pour la propension à ce que tout glisse sur lui, Sébastien Lecornu va, quoi qu’il en soit, rapidement sentir la marmite bouillir.