4108-"Général Lecornu" Nouvelle Revue de presse
"Général Lecornu"
Il est, à coup sûr, la dernière cartouche, comme l’a titré "La Dépêche du Midi" dans son édition d’hier. Celle que le chef de l’État a précieusement conservée pour les derniers jours, quand il serait question de survie, non pas pour la France – elle a triomphé de plus grands périls – mais pour lui-même et pour le macronisme.
Avec la chute de François Bayrou, troisième Premier ministre depuis la dissolution, ce temps-là est venu. Et c’est donc mardi soir, à la veille du mouvement "Bloquons tout !" qui rappelle celui des Gilets jaunes, qu’Emmanuel Macron a dégainé Sébastien Lecornu.
L’avenir nous dira vite si, comme il en a la fâcheuse habitude, le président qui cette fois s’est pourtant décidé en seulement vingt-quatre heures, a eu raison ou tort de procrastiner plus d’un an sur la nomination de ce fidèle parmi les fidèles. Si, lui préférant tout d’abord Michel Barnier au motif de l’expérience politique du Savoyard, puis cédant au chantage en abandon du vieil allié béarnais, il n’abat pas la carte du ministre des Armées trop tard.
Sébastien Lecornu accède à Matignon en terrain miné, dans un pays plus inflammable socialement, plus endetté, et politiquement plus bloqué, que jamais. N’aurait-il pas, dit-on, le goût de la discrétion et de la modestie qu’on donnerait, en signe d’encouragement, du "Mon Général" à ce gaulliste arrivé au chevet de la France dans les flammes et le fracas des excès de la journée de blocages de ce 10 septembre.
Rien ne sera facile pour l’ex-patron des armées, et fût-il un intime d’Emmanuel Macron qu’il devra comme ses prédécesseurs endosser le rôle de chair à canon assigné au Premier ministre, particulièrement en période de crise. Les oppositions mitraillent déjà – c’est de bonne guerre – considérant sa nomination comme une "gifle faite au Parlement, une triste comédie, le signe de l’obstination d’Emmanuel Macron à reproduire les mêmes erreurs et de son refus à écouter et respecter les Français".
Des Français dont il est méconnu pour beaucoup, auxquels il apparaît comme le troisième choix du président après Barnier et Bayrou, et "celui qui repasse les plats de la même salade servie depuis la dissolution", avait déclaré Olivier Faure à propos de l’hypothèse d’un nouveau Premier ministre issu du bloc central.
Les socialistes ont annoncé leur refus de participer au prochain gouvernement, si bien que Sébastien Lecornu reprend l’ascension de l’Himalaya comme et là où a chuté son prédécesseur. C’est-à-dire en short et en claquettes du point de vue des alliances et des accords, tout en bas de la montagne de difficultés qui étreignent la France, et au pied du mur du prochain budget dont l’adoption va constituer, avant la composition de son équipe de ministres, sa véritable épreuve du feu.
Ses amis prêtent au nouveau Premier ministre des qualités personnelles de négociateur et d’écoute, un sang-froid et une autorité acquis auprès de la Grande muette, qui feraient de lui l’homme de la situation. Quand ses adversaires n’y voient que l’homme du Président. On saura bientôt ce qu’en pensent les Français…