ÉDITO. Suspicion autour des arrêts maladie

Jean Claude Soulery.

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Jean-Claude Souléry la DDM

Des arrêts maladies de complaisance. Ça fait longtemps que la Sécurité sociale dénonce la facilité avec laquelle les médecins accordent à leurs patients ces arrêts maladies, comme s’il s’agissait d’une combine courante qui entraîne toujours davantage un absentéisme récurrent. Depuis plusieurs années, la Sécu multiplie les contrôles, épingle régulièrement des généralistes, en sanctionne certains, et cette suspicion exaspère forcément les praticiens qui supportent de moins en moins d’être observés, parfois dénoncés sans réel motif, tout simplement parce que le nombre de leurs arrêts maladies vient d’augmenter d’un mois sur l’autre.

 

Aujourd’hui, les contrôles se font plus nombreux, plus ciblés selon les profils des médecins et selon le terrain où ils exercent, et, par exemple, en ce mois de septembre, cinq cents médecins vont recevoir une lettre leur demandant des explications sur le nombre d’arrêts maladies qu’ils ont prescrits et leur demandant d’en réduisent le nombre. Une pression difficilement supportable.

 

 

Depuis quelques années – notamment depuis l’épidémie de Covid – les rapports médecin-patient sont devenus plus tendus, les avis médicaux sont parfois contestés par le malade qui se comporte désormais comme un simple consommateur et considère son docteur comme un pourvoyeur de confort qui serait à sa disposition. Difficile pour le professionnel de santé de refuser les exigences de sa clientèle. Certes, dans la grande majorité des cas, il agit librement, selon ce qu’il croit juste et nécessaire au regard de la médecine, et on ne saurait l’accuser de favoriser exagérément l’absentéisme. Les statistiques nous disent que, seuls, un infime pourcentage de médecins pourrait être suspecté de délivrer des arrêts maladies plus ou moins bidon. Mais les tensions persistent.

 

Ces tensions s’expliquent par notre nouveau rapport au travail qui, depuis environ trois décennies, a profondément changé. Les préoccupations personnelles ou familiales, le temps consacré aux loisirs ou au bien-être et les tentations qui sont les nôtres ont grandement entamé nos forces – ou nos envies – de travail. Désormais, celui-ci n’est plus considéré comme la valeur essentielle de l’existence, on en conteste les conditions, on revendique le temps de repos, on invoque la fatigue mentale ou le burn-out, et, s’il le faut, on court se plaindre auprès du médecin pour qu’il accorde une absence plus ou moins longue. :

 

Dans le même temps le coût social a considérablement augmenté – pour le bien de tous, et pour le mal de nos comptes publics –, et, sans le dire, les gouvernements s’emploient à le diminuer. Ainsi, dit-on, l’impact total de l’absentéisme avoisinerait les 120 milliards d’euros annuels – sans doute un chiffre exagéré. Mais tout est bon pour nous faire croire que les arrêts maladies participeraient aussi à la mauvaise santé de notre économie…