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Vote de confiance :vers un pari perdant-perdant
Si le défilé des partis politiques dans le bureau de François
Bayrou à Matignon a le parfum des veillées d’armes à la bougie,
nous assistons en réalité à un jeu de dupes. Ni la gauche,
ni l’extrême droite n’ont attendu ces entretiens pour lui signifier
qu’ils ne lui accorderont pas leur confiance, le 8 septembre, lors
de ce vote qu’il a lui-même sollicité.
Or, dans cette Assemblée sans majorité, le Premier ministre n’a
d’autres choix, pour l’emporter, que d’obtenir des soutiens au-delà du
bloc central. Ce préalable étant hors d’atteinte, à ce stade, c’est donc
vers la sortie que le maire de Pau s’avance inexorablement. Avec à
l’horizon, une nouvelle crise politique. Et, pour ne rien gâcher, une
grenade budgétaire toujours dégoupillée.
Mais alors que ces 3 300 milliards d’euros de dettes devraient mobiliser
toutes les énergies, l’heure est déjà à l’après. Et aux calculs.
Le Rassemblement national ne se cache plus : il veut « une
dissolution ultrarapide ». Comment en douter ? C’est là le
meilleur moyen, en cas de majorité, de faire voter une loi
interdisant l’exécution provisoire des peines d’inéligibilité et permettre
à Marine Le Pen, condamnée à 5 ans d’inéligibilité, de se présenter
en 2027. Malgré les risques, cette petite musique de la dissolution
prospère. Nicolas Sarkozy en est persuadé : si François Bayrou
tombe, il n’y aura « pas d’autre solution ».
Faux. N’en déplaise aux amateurs de coups de billard à douze bandes,
le chef de l’État peut aussi nommer un nouveau Premier ministre.
Avec, enfin, posé comme impératif de prendre la pleine mesure du
mot compromis. Et, au passage, d’arrêter de jeter dans l’atmosphère
et sans aucune concertation, comme le fait si bien François Bayrou,
des ballons-sondes aussi explosifs que la suppression de deux jours
fériés.
Oui, l’absence de majorité à l’Assemblée est une réelle difficulté pour
gouverner, mais elle n’en reste pas moins le fruit du vote des Français
aux dernières législatives. Et il faudrait considérer qu’ils ont mal
voté ? Qui peut le croire ? C’est bien au gouvernement de faire avec. À
commencer par le locataire de Matignon. De la même manière que la
réélection d’Emmanuel Macron en 2022 est parfaitement légitime,
celle de cette Assemblée l’est tout autant. En prenant tout le monde de
court avec ce vote de confiance, François Bayrou s’est offert un coup
d’éclat. En le congédiant, les députés s’offriront le leur. Et après ? Il
sera alors grand temps de tourner la page de ce pari perdant-perdant.
Éditorial SUD OUEST Jefferson Desport