LÉA SALAMÉ OU LE TRIOMPHE DU SPECTACULAIRE -
Le premier JT de Léa Salamé a tenu toutes ses promesses… Entre séquences chocs, enchaînements sans cohérence et formules tapageuses, le journal semble avoir davantage cherché à impressionner qu’à informer.
DES MOMENTS, DU SPECTACULAIRE
Léa Salamé a sans doute été choisie pour sa capacité hors norme à transformer une simple actualité en événement, où chaque sujet doit claquer, surprendre, en mettre plein la vue. On retrouve bien, dans son premier JT, cette logique de « moments » censés marquer les esprits. La recherche de la vérité ne semble pas la priorité, à l’inverse du spectaculaire, omniprésent tout au long des 50 minutes du journal. Plutôt que de parler des 12 millions d'élèves qui ont effectué leur rentrée hier, la présentatrice insiste, en introduction, sur les « 700 000 qui sont privés de rentrée à cause des intempéries ». Dans le reportage qui suit, les mots et les images claquent, jusqu'à parfois en oublier le sens : « Le golfe de Saint-Tropez est lui aussi trempé », s’indigne le journaliste qui commente ensuite des images prises par un téléphone portable : « Dans la nuit noire, le grondement du ciel et puis soudain, la puissance de la foudre ! ». La rédaction, pour encore plus d'immersion, choisit de diffuser le son de la vidéo : « Oh putain ! Ah ah ah ! ».
NI COHÉRENCE NI HIÉRARCHISATION
Ne cherchez pas la moindre cohérence dans le conducteur du JT de Léa Salamé, il n’y en a aucune. Les sujets s’enchaînent sans lien les uns avec les autres. On passe ainsi des orages et intempéries dans le Sud-Est à un meurtre d'adolescent de 13 ans, puis au brouillage GPS de l'avion transportant Ursula von der Leyen, la présidente de l'Union européenne. Après un éclairage intéressant d'Étienne Leenhardt (en plateau) sur le sommet indopacifique en Chine et un court reportage sur les tremblements de terre en Afghanistan, retour en France avec les consultations de François Bayrou, rapidement balayées par l'analyse lapidaire de Nathalie Saint-Cricq : « au mieux c'est un théâtre d'ombres, au pire c'est du cinéma, et j’oserais pas employer le mot cirque ». La présentatrice relève le dernier mot et ajoute : « vous l'avez dit ! ».
ON A DÉCIDÉ DE VOUS DONNER LA PAROLE !
La présentatrice enchaîne : « En cette rentrée politique explosive, on a décidé toute la semaine de vous donner la parole. Maryse Burgot et Audrey Burla ont sillonné le Nord de la France à la rencontre de Français désabusés par la politique et parfois même très en colère ». Arrêtons-nous sur le choix de la rédaction qui, pour prendre le pouls des Français, a choisi d'aller interviewer 120 salariés d'Outinord, menacés de licenciement et regroupés dans un piquet de grève. Logiquement, la colère est palpable et le ressentiment vif, lié à la fermeture prochaine de leur usine. Mais ils seront moins interrogés sur la situation de leur entreprise que sur la situation politique du pays : « Bonjour, Messieurs, Dames, nous faisons un reportage un peu sur la situation politique en France. Monsieur Bayrou dit que nous sommes tous responsables de la dette, vous n'êtes pas d'accord avec cette idée ? », interroge Maryse Burgot. Inutile de détailler les réponses des salariés, qui oscilleront entre colère, désespoir et ressentiment envers les dirigeants (politiques, économiques).
DES BIJOUX DANS LE SLIP !
Après un nouveau reportage qui interroge deux médecins délivrant à la pelle des arrêts maladie - en les faisant passer pour victimes de l'Assurance maladie qui a décidé de sévir en matière de contrôle - on sent Léa Salamé enthousiaste : « Et il est encore question d'argent avec cette arrestation rocambolesque samedi, 10 millions d'euros de bijoux volés étaient cachés... Dans un slip ! Oui, dans un slip ! » Le reportage commence ainsi : « En descendant gare de Lyon, il pensait avoir trouvé LA meilleure cachette pour son butin », puis les journalistes de la rédaction interviewent la porte-parole du syndicat Alliance Police : « La palpation a commencé sur un premier individu (...) à l'intérieur de son caleçon a été sentie une protubérance, à la demande des policiers, l'individu a donc sorti la chaussette contenant des bijoux [de famille] ». On n’en saura rien sur la provenance des bijoux en question - les journalistes l’ignorent - mais peu importe, l'objectif du reportage était ailleurs !
CONCLUSION
Ce JT inaugural illustre un virage inquiétant : celui d’une information réduite à un enchaînement de moments spectaculaires. En privilégiant l’émotion et l’anecdote sur la hiérarchie et l’analyse, Léa Salamé installe un format hybride, à mi-chemin entre journalisme et divertissement.
