De la Chine à l’Occident, le monde des blocs

C’est une photo de famille lourde de sens qui nous a été envoyée
de Chine : Xi Jinping, son président, entouré notamment
des dirigeants de l’Inde, de l’Iran, de la Biélorussie, de
la Turquie, du Kazakhstan et bien sûr du président russe,
Vladimir Poutine. En les réunissant autour de lui, à Tianjin, le dirigeant
chinois s’est offert une démonstration de force, dépliant au
grand jour la toile d’un réseau courant de Téhéran à Moscou, d’Istanbul
à New Delhi, de Minsk à Astana avec au centre de cette puissante
constellation, Pékin.

Non content de vouloir ancrer la Chine sur la plus haute marche de
l’économie mondiale, Xi Jinping s’affiche désormais en chef de file de
ce qu’il appelle lui-même le « sud global ». Soit, la réponse directe à la
domination américaine et l’affirmation d’une unique ambition : renverser
l’ordre mondial.

Ne nous trompons pas : Xi Jinping a beau jeu de réclamer
« une gouvernance plus juste et raisonnable ». Dans son monde
idéal, Taïwan, régulièrement encerclée par les forces chinoises,
n’a pas vocation à être
libre et indépendante. Pas plus que l’Ukraine dont le seul tort est
d’avoir voulu se désarrimer de la Fédération de Russie, pour mieux
regarder, à l’Ouest, vers l’Europe.

En Chine, le maître du Kremlin a, sans rire, osé défendre, lui aussi,
« un ordre multipolaire plus juste », tout en ciblant l’Occident. Il n’abusera
personne. Le multilatéralisme suppose autre chose que ces
grandes orgues moqueuses, autre chose aussi que ces violons faussement
accordés entre marionnettistes aux volontés hégémoniques et
dirigeants autoritaires aux opinions publiques muselées et aux opposants
politiques emprisonnés.

Néanmoins, au-delà de la farce, les messages envoyés doivent être pris
au sérieux. Mercredi, à Pékin, le président chinois conclura ce sommet
par un défilé militaire qui aura tout d’un avertissement de plus. Dix
mille soldats paraderont accompagnés des derniers armements chinois
avec, aux premières loges, Vladimir Poutine et son allié sur le
front ukrainien, le dictateur nord-coréen Kim Jong Un. Un sinistre
tableau donc. Le XXe siècle a vu la fin de la Guerre froide, le suivant est
en train de reconstruire, de la Chine à l’Occident, le monde des blocs.
Si Xi Jinping ne pratique pas l’outrance à la Donald Trump, ses souriantes
cartes postales dessinent le même impérialisme. Et on ne peut
que s’en inquiéter car rien ne dit que ces équilibres revisités de la terreur
soient source de stabilité.

Éditorial SUD-OUEST Jefferson Desport