ÉDITORIAL. Thermalisme : vers une cure… d’austérité ?
François Bayrou n’est pas – heureusement – Javier Milei, le fantasque président argentin qui tronçonne à tout va dans les dépenses de l’État et la fonction publique de son pays. Mais le Premier ministre, en quête effrénée de 44 milliards d’euros pour boucler son budget 2026 dont 5,5 pour les comptes de la Sécurité sociale, multiplie les coups de scalpel et de rabot qui, mis bout à bout, constituent de plus en plus d’irritants pour les syndicats, les oppositions et finalement les Français – dont 87 % pensent que le Budget Bayrou nuira à leur pouvoir d’achat.
À la suppression de deux jours fériés, celle de l’abattement fiscal pour les retraités, le doublement des franchises médicales, la réforme du transport sanitaire en taxi ou le serrage de vis sur les arrêts maladie pourrait donc s’ajouter la remise en cause du remboursement à 100 % des cures thermales et des médicaments dont le service médical rendu est faible pour les patients en Affection longue durée (ALD).
Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement tente de s’attaquer au thermalisme au prétexte qu’il serait coûteux et médicalement pas assez efficace, ce que conteste fermement le Conseil National des Établissements Thermaux (CNETh), qui avance 60 études cliniques prouvant le contraire. Ce qui surprend avec le gouvernement Bayrou, c’est que plutôt que de chercher à faire des réformes structurelles majeures de l’appareil d’État ou rechercher des leviers – et notamment de nouvelles recettes –, il préfère multiplier des mesures ciblées – et pense-t-il peut-être indolores – qui ramènent des économies plutôt modestes. Ainsi, si les cures thermales, aujourd’hui dans le collimateur, ont coûté 350 millions d’euros à l’Assurance maladie en 2023, elles ne représentent, selon le CNETh, que 0,1 % du budget de la santé. Une goutte d’eau… S’il faut bien sûr s’attaquer aux abus s’il y en a, peut-être améliorer le système de prise en charge ou s’inspirer au besoin de ce qui se fait chez nos voisins, on ne peut cibler le thermalisme sans mesurer tout ce qu’il représente en dehors du seul aspect sanitaire.
Il y a le poids économique de la filière, auquel l’Occitanie, première région thermale de France est sensible : quelque 4 milliards d’euros de richesse globale créée, plus de 25 000 emplois en France et des retombées économiques indispensables pour des territoires ruraux et de montagne qui ont souvent été délaissés. Et puis il y a l’histoire et le lien ancestral noué entre les terres thermales, les populations qui y vivent et les curistes du monde entier qui y séjournent.
À travers le thermalisme, c’est bien toute l’histoire du pays qui se dessine, depuis l’époque romaine jusqu’à aujourd’hui en passant par l’essor des stations thermales au XIXe siècle qui ont contribué à la renommée de la France – Napoléon III ne s’y trompa pas. Les stations thermales, qui ont inspiré diplomates, écrivains ou cinéastes, où l’on vient se soigner, se reposer, se ressourcer, ne peuvent se résumer à une ligne comptable que l’on pourrait froidement rayer d’un trait au non d’une cure… d’austérité. Il y a derrière elles une part de cet art de vivre à la française qui forge notre identité et nos territoires. Et ça, ça n’a pas de prix.