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Fast-fashion, un cynisme XXL
Acheter, porter, jeter. Et recommencer. Telle est l’implacable
recette du succès de la fast-fashion, la mode éphémère, cette
basse couture capable de proposer à ses clients des milliers
de nouveaux modèles chaque jour. Or cette industrie infernale
confine aujourd’hui à l’aberration sociale, environnementale et
économique. En particulier pour la filière du recyclage, elle aussi victime
de ce déferlement de vêtements. La fast-fashion, c’est l’un des
mauvais tubes de cet été.
En juillet, l’entreprise Le Relais, qui collecte les vêtements usagés, s’est
mise en grève, dépassée par cette marée de chiffons pratiquement sans
valeur. Sans valeur parce que, pour aligner des prix aussi bas, les géants
chinois de la « mode express » tissent leurs toiles dans des tissus bas de
gamme et peu résistants. Or, le marché du textile de seconde main, qui
abonde notamment le réseau Emmaüs, exige un minimum de qualité.
Résultat, si les conteneurs débordent de dons, ces derniers
n’offrent aucun débouché commercial quand les collecter et les
trier coûte toujours plus cher.
Ce constat est navrant : même les filières de la solidarité n’ont
plus rien à espérer de cette fièvre acheteuse. Pour les plateformes
chinoises, le bénéfice est total. Non seulement elles contribuent
à déshabiller l’économie du prêt-à-porter hexagonal – cet été, Princesse
Tam-Tam et Comptoir des cotonniers ont à leur tour été placés en redressement
judiciaire. Mais en plus, elles noient les filières de recyclage
sous des tonnes de vêtements tout juste bons à mettre à la poubelle,
obligeant le gouvernement à voler à leur secours. Reconnaissons-le,
c’est du grand art, un cynisme XXL.
À l’automne, une proposition de loi devrait être adoptée pour freiner
ces plateformes. À la clé, des pénalités financières et une interdiction
de la publicité. Il est en effet urgent d’agir. Et la sensibilisation des acheteurs
aux conditions de travail déplorables dans les usines ainsi qu’à
l’impact écologique de ces productions frénétiques est un autre levier.
Mais que peuvent valoir ces considérations, pourtant essentielles, face
à la faiblesse du pouvoir d’achat ? Le succès de ces plateformes s’explique
aussi là, dans ce tissu de pauvreté. Il serait toutefois faux de les
tenir responsables de tous les maux du prêt-à-porter. Ici comme
ailleurs, de mauvais choix ont été faits, et la crise du Covid n’a rien
arrangé. Mais derrière l’offensive de ces géants de la vente en ligne à la
main-d’oeuvre exploitée, se découpe une silhouette : celle d’un pays
fragile.
Jefferson Desport éditorial SUD OUEST