L’édito de Bruno Jeudy. Jeu de dupes en Alaska
Par Bruno Jeudy, directeur délégué de la rédaction

Chaque semaine, Bruno Jeudy fait le point sur l'actualité.
LTD/CYRILLE GEORGE JERUSALMI
Par Bruno Jeudy, directeur délégué de la rédaction
Chaque semaine, Bruno Jeudy fait le point sur l'actualité.
LTD/CYRILLE GEORGE JERUSALMI
Tout ça pour ça. Trois heures d'entretien au lieu de six, 12 minutes de conférence de presse sans question de journalistes, pas de cessez-le-feu : voilà le bilan factuel du sommet. Un échec pour Donald Trump, qui se vantait d'avoir « stoppé un paquet de guerres » depuis son retour au pouvoir et échoue dans sa quête d'un deal. A contrario, l'inflexible Vladimir Poutine obtient ce qu'il voulait : gagner du temps pour pousser son avantage sur le front ukrainien.
Si les représentants des pays du bourbon et de la vodka ont goûté à l'ivresse médiatique de cette rencontre, ce sont les Ukrainiens qui se sont réveillés avec la gueule de bois et loin d'être grisés par les propos nébuleux et le flou savamment entretenu sur le contenu des échanges entre Poutine et Trump. À la table d'Anchorage, le joueur d'échecs de Moscou s'est révélé plus fort que le joueur de poker de Washington.
Ukraine : ce qu'il faut retenir des heures qui ont suivi la rencontre Trump-Poutine
Le dictateur russe a quitté tranquillement le territoire américain, prenant le temps avant son départ de déposer des fleurs sur les tombes de soldats soviétiques morts pendant la Seconde Guerre mondiale tandis que l'occupant de la Maison Blanche avait déjà embarqué dans son avion Air Force One, la mine renfrognée, direction la capitale américaine.
« Un échange constructif et utile », s'est réjoui le maître du Kremlin : cela ressemble fort à une antiphrase ! Et ce n'est pas ce « Next time in Moscow » — formule digne des titres des romans de John le Carré et reprise par les médias russes — lancé par le maître du Kremlin à l'adresse du président américain qui va rassurer l'Ukraine ! Ou nous autres Européens.
Le sourire de Poutine montre clairement qui est sorti gagnant, et il pourrait rappeler à Trump que la hâte est mère de l'échec diplomatique. À l'issue de cette conférence, le dirigeant russe aurait pu entonner un sinistre « the war must go on ». Son armée n'a d'ailleurs pas molli en lançant, dans la nuit de vendredi à samedi, 85 drones sur les lignes de défenses ukrainiennes. La paix n'est pas pour demain dans le Donbass !
Aux Européens et à Volodymyr Zelensky de répondre à la morgue de Poutine en reprenant à leur compte le conseil donné par John Fitzgerald Kennedy : « Ne négocions jamais avec nos peurs. Mais n'ayons jamais peur de négocier. » Car la bulle gonflée à l'unisson par la communication surjouée de la Maison Blanche et du Kremlin a éclaté.
Poutine ne veut pas la paix. Il veut maintenir le statu quo à son avantage. Son armée a progressé cette semaine et occupe 20 % de l'Ukraine. Certes, il a perdu son pari initial de conquérir Kiev. Mais il vient en quelques heures, avec la complicité de Trump, l'idiot utile de ce conflit, de retrouver une réhabilitation inespérée alors qu'il avait été mis au ban de la communauté internationale après l'invasion de l'Ukraine et le bain de sang qui a suivi (1,4 million de soldats tués ou blessés).
Les quarante-deux mois de guerre nous ont appris que la Russie de Poutine n'est prête à aucune concession et reste confiante en sa capacité à résister à toutes les pressions quelles qu'elles soient. Quant à Trump, malgré son passé de prédateur immobilier, il a montré ses limites comme négociateur diplomatique.
Ses applaudissements réservés à son ami « Vladimir », puisqu'il l'appelle par son prénom, n'auront servi à rien. Il reste à espérer que l'Américain n'infligera pas à Zelensky, lundi à Washington, le même traitement qu'avait eu à subir le président ukrainien dans le Bureau ovale.
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