Nous attendions un tournant déterminant pour mettre fin à la guerre en Ukraine. Finalement ce sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine s’est soldé sans annonce et sans accord. Peut-on parler d’échec ?

Les attentes étaient nombreuses, notamment un cessez-le-feu. Et au final, il n’y a pas d’annonce. Nous avons un président russe qui sort quand même gagnant, en tout cas qui récupère une visibilité internationale qui le met là où il voulait être : sur le même piédestal que Donald Trump, le patron de la première puissance mondiale. Donc, pour Vladimir Poutine, c’est indéniablement un succès politique et médiatique qu’il va exploiter dans les semaines et mois à venir.

Pour Donald Trump, c’est plus compliqué parce qu’il n’a pas obtenu de cessez-le-feu. Alors même qu’il prétendait qu’il était le roi du deal et qu’il allait régler tout ça très très vite. Maintenant, il faut savoir ce qui s’est dit lors de cette rencontre. Volodymyr Zelensky va dès lundi à Washington. Parallèlement, il y a ces échanges entre les dirigeants européens. Les heures et jours à venir seront déterminants pour découvrir les exigences demandées par Moscou et auxquelles Donald Trump aurait plus ou moins consenti.

A l’issue de cette réunion, l’attitude de Donald Trump avait l’air d’avoir changé. Alors qu’une conférence de presse était prévue, les deux hommes ont refusé de répondre aux questions des journalistes. Comment l’interpréter ? Qu’a-t-il pu se passer lors de cet échange ?

Le langage corporel a été très important lors de cette séquence. Nous avons vu un Vladimir Poutine, 72 ans, apparaissant dynamique, très professionnel, préparé. Lors de la pseudo-conférence de presse après la réunion, il avait des feuilles devant lui. Il connaissait parfaitement ses dossiers, avait l’air très heureux d’être là, de monter dans The Beast (la voiture présidentielle américaine, ndlr).

De l’autre côté, nous avons un Donald Trump qui semble moins à l’aise et confiant. Lorsqu’on le voit descendre de l’avion, et cela m’a frappé, il apparaît lourd. Finalement, il se rend compte que c’est beaucoup plus compliqué qu’il ne le pensait. Son charisme, qu’il considère comme lui ayant permis de gagner tous les deals de sa carrière, n’a pas réussi à faire plier un Vladimir Poutine très sûr de lui, qui a réussi à imposer son point de vue.

 

Ce retour officiel de Vladimir Poutine sur la scène internationale, que signifie-t-il ?

 

 

Depuis 2022, ses principaux interlocuteurs étaient limités à Xi Jinping, Kim Jong-un et Alexandre Loukachenko. Là, il y a cette poignée de main avec et toute cette mise en scène et ces symboles qui sont lourds de sens. Donald Trump l’applaudit en l’attendant sur le tarmac de l’aéroport. Poutine monte dans la voiture présidentielle américaine, symbole du pouvoir. Avec ce sommet bilatéral, Poutine atteint l’un de ses objectifs qui est même, pour lui, une obsession depuis la chute de l’Union soviétique. Remettre la Russie sur un pied d’égalité avec les Etats-Unis.

 

Peut-on néanmoins voir un signe positif dans le fait que Donald Trump ait contacté directement les dirigeants européens et Volodymyr Zelensky après ce sommet ?

Oui. Cela veut dire qu’il ne souhaite pas passer un accord sur le dos des Ukrainiens. Trump sait désormais qu’il a besoin de l’Ukraine, qui est la première concernée, mais aussi besoin de l’appui européen.

Malgré le mépris russe, grâce aux efforts de la diplomatie européenne, notamment Emmanuel Macron et Keir Starmer, l’Europe n’a pas été exclue du jeu. Même sans représentants présents, Trump est obligé de prendre en compte les positions européennes.

Nous savons par ailleurs que les dirigeants européens ont discuté, mais pour le moment, il n’y a eu aucune déclaration. Cela signifie qu’ils prennent soin d’analyser et de prendre du temps avant de réagir. Nous sommes dans un contexte où Il ne faut pas que l’émotion l’emporte sur la réflexion et le sang-froid. Nous savons que Zelensky ira à Washington lundi. Ce week-end va donc être crucial et faire place aux échanges pour maintenir une sorte de front uni entre Européens, Ukrainiens et Américains.

Poutine a invité Trump à Moscou. Le président américain va-t-il accepter ? Le conflit peut-il se régler, à ce moment-là, sur sol russe ?

Je ne suis pas sûr qu’en l’absence d’une paix juste, durable et des garanties de sécurité, une visite de Trump à Moscou soit souhaitable. Il va par ailleurs falloir qu’il prenne en compte l’opinion publique américaine, alors même qu’il semble que la presse considère ce sommet comme étant un échec pour Donald Trump.