ÉDITORIAL. Coups de soleil : peau de chagrin
Des personnes, notamment des adolescentes, qui cherchent à obtenir des coups de soleil volontairement pour créer des marques ou des motifs sur leur peau, appelés « burn lines » ou « sun tattoos » : voilà la dernière tendance – la dernière folie – encouragée cet été par des vidéos sur des plateformes comme TikTok et Instagram. Des pratiques extrêmement dangereuses qui peuvent causer des dommages irréversibles à la peau et qui imposent, une nouvelle fois, d’alerter les vacanciers sur les dangers du soleil pour la peau.
Car depuis que le bronzage – jadis apanage des ouvriers et paysans qui passaient leurs journées au soleil alors que la peau laiteuse était, elle, le summum de la mode – est devenu la norme, l’envie d’avoir un teint hâlé le plus rapidement possible se fait au détriment de la santé. Et sans que l’on s’en rende compte immédiatement. L’exposition inconsidérée des corps consume notre capital soleil et ce sont des années plus tard que les dermatologues constatent la catastrophe avec des cancers de la peau. 85 % de ces cancers seraient ainsi liés à une surexposition au soleil.
Dans son dernier Panorama des cancers en France 2024, l’Institut national du cancer (INCa) livre des chiffres édifiants. Entre 1990 et 2023 le nombre de nouveaux cas et évolution du mélanome de la peau a bondi de + 444 % avec une variation annuelle moyenne de + 3,5 %. Avec 17 992 nouveaux cas recensés en 2023, Le mélanome de la peau est le 4e cancer le plus fréquent. Parmi les facteurs de risque figurent l’exposition au soleil ou aux ultraviolets artificiels et des antécédents de coups de soleil, notamment pendant l’enfance.
Ces données devraient inciter les Français à mieux prendre soin de leur peau. D’abord en se protégeant davantage, ce qui passe notamment par l’utilisation de crèmes solaires de qualité, dont l’application doit être suffisante et renouvelée tout au long de la journée. Ensuite en s’observant mieux. Dès lors que l’on constate un changement anormal sur sa peau, il faut consulter car plus le diagnostic se fera tôt, mieux ce sera. Un mélanome « simple » est opérable mais quand des métastases apparaissent, il faut partir sur d’autres traitements, notamment de l’immunothérapie, des traitements ciblés et sans doute demain des vaccins « thérapeutiques ».
Mais pouvoir consulter est devenu bien trop souvent un chemin de croix. Le délai moyen d’attente pour consulter un dermatologue en France est d’environ 95 jours, avec de fortes disparités selon les régions et une tendance à l’allongement ces dernières années. Et la pénurie de dermatologues n’explique pas tout. Quiconque a fait une recherche de rendez-vous sur une plateforme comme Doctolib constate que nombre de dermatologues se sont spécialisés dans la médecine esthétique. Une représentante de la profession, spécialiste du botox, expliquait récemment sur France 2 toute honte bue qu’il n’y avait absolument pas de lien… Sans convaincre.
L’urgence de la situation est officiellement reconnue, notamment par le ministère de la Santé, mais les mesures jugées nécessaires par les professionnels (augmentation forte des internes, réorganisation territoriale, généralisation de la télé-expertise) n’ont pas encore permis de résorber la crise. Face au danger du soleil et au risque de cancer de la peau, il serait temps que l’État hausse enfin le ton…