Le Hamas, une grenade toujours dégoupillée

Le Hamas n’a pas dit son dernier mot. Alors qu’il subit depuis
vingt mois la riposte sanglante et sans merci d’Israël, en réaction
aux massacres du 7 octobre 2023, il a diffusé ces jours-ci
les vidéos effroyables de deux otages israéliens. Sur ces
images, ils apparaissent très amaigris et affaiblis après bientôt deux
ans de captivité. Comble de l’abject, l’un raconte creuser sa propre
tombe.

Ces images s’entrechoquent avec celles, tout aussi effroyables, des
enfants de Gaza également affamés et dont la vie, là encore, ne tient
plus qu’à un fil, piégés sous les bombes israéliennes et dans la famine
qui ronge l’enclave assiégée. Si le Hamas voulait montrer qu’il est encore
debout, il ne pouvait mieux s’y prendre.

Certes, son appareil militaire a été mis à mal, mais, avec cette guerre
des images, il a réussi à blesser au coeur l’État hébreu. S’il espère ainsi
fracturer davantage la société israélienne et accentuer la pression
contre Benjamin Netanyahou,cette stratégie est aussi ignoble
que dangereuse.

Ignoble, car il ne fait rien d’autre que jouer avec la vie des otages.
Dangereuse, car jusque-là le gouvernement de Benjamin
Netanyahou s’est montré chaque jour plus inflexible que
la veille. Surtout, en agissant de la sorte, le Hamas offre toutes les raisons
à l’extrême droite israélienne de mener à bien le seul projet qui
l’anime désormais : vider Gaza de sa population pour concrétiser son
rêve messianique de grand Israël, au mépris de toute humanité.
Au moment même où les condamnations internationales montent de
toutes parts – et à juste titre – contre Benjamin Netanyahou, où ce
dernier ne peut plus guère compter que sur le soutien de Donald
Trump, la stratégie du Hamas est une nouvelle grenade dégoupillée.
Contre Israël mais aussi contre la population gazaouie et les artisans
de la paix. Alors que la solution à deux États reprend de la vigueur,
à l’initiative d’Emmanuel Macron qui a réussi à entraîner dans son
sillage le Canada et le Royaume-Uni, il ne pourra y avoir de reconnaissance
viable de la Palestine tant que le Hamas ne sera pas désarmé.

Les vidéos de ces otages le prouvent : il n’en a aucunement l’intention.
Pourtant, seule leur libération pourrait contraindre Israël à desserrer
son étau. En s’y refusant obstinément, le Hamas ne sert pas les intérêts
des Palestiniens, il sert ceux d’un pouvoir israélien qui a adopté la
même politique que lui : celle de la terre brûlée. Soyons clairs :
ces extrêmes n’offrent aucun avenir.

Éditorial SUD-OUEST par Jefferson Desport