L'édito de Bruno Jeudy. La droite, lost in translation
Par Bruno Jeudy

Chaque semaine, Bruno Jeudy fait le point sur l'actualité.
LTD/CYRILLE GEORGE JERUSALMI
Par Bruno Jeudy
Chaque semaine, Bruno Jeudy fait le point sur l'actualité.
LTD/CYRILLE GEORGE JERUSALMI
Depuis plus d'une décennie, la droite française avance à reculons. Frappée par des défaites électorales en série, vidée de sa substance idéologique, divisée par des querelles de personnes, elle s'est peu à peu marginalisée. À moins deux ans de l'élection présidentielle, Les Républicains sont à l'heure du choix. Entre l'union des droites et la fidélité au socle républicain. Entre la tentation de la radicalisation et le retour d'une droite de gouvernement capable de redevenir centrale.
Depuis la chute de Nicolas Sarkozy en 2012, la droite n'a cessé de rétrécir. L'UMP, jadis vaste coalition de gaullistes, libéraux, souverainistes et centristes, s'est brisée sous les effets, de la mondialisation, de l'intégration européenne, de l'éclatement du paysage politique et de l'émergence de chapelles concurrentes Reconquête d'Éric Zemmour, l'UDR d'Éric Ciotti, Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan. Faute d'un travail doctrinal sérieux, elle s'est fait piller par Emmanuel Macron. Pendant ce temps, le RN s'est installé dans les milieux populaires, jusqu'à devenir la nouvelle force dominante à droite.
Battue consécutivement trois fois à la présidentielle, la droite s'est enfermée dans une crise de leadership. Son électorat historique - retraités, artisans, cadres sup, catholiques pratiquants - s'est dispersé. Son implantation a survécu mais sans dynamique nationale. Et Nicolas Sarkozy, au lieu de jouer les rassembleurs, n'a cessé de parasiter la reconstruction, entre jeux d'influence et ambiguïtés vis-à-vis du RN.
Depuis les législatives de 2024, pourtant, un frémissement apparaît. La nomination de Michel Barnier à Matignon, la popularité croissante de Bruno Retailleau et la victoire nette de ce dernier à la tête du parti ont redonné un semblant de cap. Mais tout reste à faire. Car aujourd'hui, LR n'est plus le pivot de la droite : il est perçu comme l'allié par défaut du macronisme plus que comme une alternative.
Pour s'imposer, le chef de la droite ne doit pas se focaliser seulement sur la sécurité, il devra affronter les enjeux contemporains : l'écologie, l'économie numérique, la mobilité sociale et l'organisation du travail. Ce labeur indispensable avait été partiellement engagé par François Fillon autour d'un corpus néolibéral et conservateur dont certaines idées ont été reprises par... Emmanuel Macron lui-même.
L'entrée au gouvernement de Bruno Retailleau comme opposant de l'intérieur offre un espace politique à exploiter. Reste à bâtir un vrai projet en rupture avec le macronisme, sans tomber dans les bras du RN. S'il veut suivre les exemples de Jacques Chirac en 1986 et de François Fillon en 2017, le patron de LR devra fixer une ligne ferme et moderne.
À l'homme de la Place Beauvau de se frayer un chemin vers l'Élysée en profitant de l'inexpérience de Jordan Bardella, probable candidat du RN, et du possible discrédit de ceux qui ont trop longtemps gouverné avec Emmanuel Macron, comme Gabriel Attal, Gérald Darmanin et Édouard Philippe.
Il devra enfin capter les électeurs orphelins d'Emmanuel Macron, lequel, en pensant à 2032, pourrait préférer Bruno Retailleau à l'un de ses ex-chefs de gouvernement. Périlleuse tâche que d'emprunter cette voie étroite, mais le Vendéen pourra se souvenir de la détermination d'Hannibal, le général carthaginois qui disait : « Nous trouverons un chemin, ou nous en créerons un. »
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 376 autres membres