3993-L’autonomie corse plus forte que le Conseil d’État 1 post
L’autonomie corse plus forte que le Conseil d’État
Dire que c’est un Corse qui a créé le Conseil d’État. Le plus illustre
d’entre eux, Napoléon Bonaparte, en 1799. Deux cent vingt-six ans plus
tard, ses compatriotes viennent de donner un bon coup de pied au tibia
de la plus haute juridiction administrative française.
Consultée comme il se doit pour chaque projet de loi, l’institution du
Palais-Royal a dégainé sa gomme. Effacé le pouvoir législatif autonome
accordé à l’île de Beauté. Caviardée la notion de « communauté » corse
entretenant « un lien singulier à sa terre », expression dont l’ambiguïté
saute aux yeux.
Pas à ceux de François Bayrou qui a choisi de tordre le bras du Conseil
d’État et de présenter, hier, le texte de loi dans sa version initiale, issue
de la volonté d’Emmanuel Macron et de son ministre de l’Intérieur de
l’époque, Gérald Darmanin, d’éteindre la colère des insulaires après la
mort tragique d’Yvan Colonna dans sa prison de Marseille. En
Corse, on le sait, un incendie démarre vite et fort, il ne se
circonscrit pas facilement. En revanche, on n’a encore jamais
vu des conseillers d’État dresser des barricades dans les rues du
1er arrondissement de Paris et agiter des banderoles menaçantes.
Bref, les imprécations lourdes
d’orages de Gilles Simeoni, le porte-drapeau de l’autonomisme corse,
ont eu la peau des réticences du Palais-Royal. Le Premier ministre qui
stigmatisait « la soumission » de l’Europe à Donald Trump a compris
avec qui mieux valait ne pas engager un périlleux bras de fer. Rappelons
cependant que le Palois, plus Girondin que Montagnard malgré
ses racines pyrénéennes, n’a pas attendu d’arriver à Matignon pour
prôner un supplément de décentralisation et déverrouiller le coriace
jacobinisme qui asphyxie « les provinces ».
Les protestations n’ont évidemment pas surgi des boiseries du Conseil
d’État où la réserve est un devoir. Elles émanent du président du Sénat
Gérard Larcher, sachant que le projet de loi ne pourra être adopté sans
les voix de ses chers collègues. Inutile de dire que Larcher pèse lourd
dans la balance. L’un de ses lieutenants ne mâchait pas ses mots contre
ce qu’il appelait une reconnaissance du communautarisme. Bruno
Retailleau est aujourd’hui ministre de l’Intérieur, comme le fut avant lui
Jean-Pierre Chevènement qui démissionna, déjà à cause de la Corse.
Un sanglier de plus dans le jardin du Vendéen après Rachida Dati qui
prend le maquis dans la législative partielle de Paris.
Benoît Lasserre editorial SUD-OUEST