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Loi Duplomb : Tant qu’il reste des paysans
La mise en ligne, jeudi 10 juillet, d’une pétition contre la loi Duplomb et le succès populaire qu’elle a rencontré en franchissant ce dimanche le cap du million de signatures, ne sont en définitive que le résultat de la catastrophique politique du "en même temps"…
Une politique sans cap ni vision, soumise aux injonctions contradictoires des professionnels et de l’opinion, et qui précipite l’agriculture dans l’incertitude et la controverse, comme avant elle la filière nucléaire. La France n’a pas attendu le macronisme pour se flageller – le saccage de nos secteurs d’excellence étant une spécialité de nous autres – mais il faut dire que depuis 2017 et alors que nous n’avons jamais autant parlé de "patriotisme économique, de souveraineté industrielle ou alimentaire", nous nous y employons avec obstination.
Avec la loi Duplomb et en particulier son texte qui réintroduit sous conditions l’usage de l’acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France, c’est un peu l’histoire de la centrale de Fessenheim qui se répète. En 2020, on a célébré la fermeture d’un appareil industriel dont la plupart des experts considèrent aujourd’hui qu’il aurait sans doute passé avec succès l’épreuve de la visite décennale. Mais cinq ans et une grave crise énergétique plus tard, l’arrêt des plus anciens réacteurs français hante toujours le débat politique. La décision de débrancher Fessenheim de notre réseau de production d’énergie nucléaire est d’autant plus énigmatique qu’Emmanuel Macron a été tout à la fois capable de tenir la promesse faite par François Hollande, puis de donner le coup d’envoi d’un plan de construction de nouveaux réacteurs nucléaires en 2022…
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, la mesure d’interdiction de l’acétamipride prise en 2020 en l’absence de solutions de substitution conduit la France à faire marche arrière. À l’époque, c’est-à-dire en pleine pandémie du Covid et sur fond de polémique à propos de la gestion de la crise, l’exécutif avait fait la sourde oreille aux avertissements des agriculteurs, des betteraviers et des producteurs de noisettes en particulier. Seules comptaient l’inquiétude et la colère populaires, et la réponse à apporter en termes de gages sanitaires pour les apaiser.
Or comme prévu, la funeste prophétie s’est accomplie. Confrontés à des voisins européens auxquels les législations domestique et communautaire autorisent l’usage du pesticide, les agriculteurs français ont subi une concurrence déloyale préjudiciable tant au professionnel qu’au consommateur. Pour le premier, c’est une accélération de la baisse du revenu moyen qui a déjà chuté de 40 % en trente. De cela, Sandrine Rousseau qui s’exprimait récemment sur le sujet, " n’en a rien à péter ".
Pour le second, c’est la garantie aussi logique que fatale de consommer du sucre de betterave, des noisettes et des fruits d’importation traités à l’acétamipride, empreinte carbone et déficit commercial en sus…
Au-delà de la controverse sur l’utilisation des pesticides dont nous voudrions évidemment tous l’arrêt, le débat sur la loi Duplomb pose à nouveau la question – et tant qu’il reste des paysans – de l’évolution de notre modèle agricole, de sa place en Europe et dans le monde, à l’aune de la transition écologique.