EDITO. Baccalauréat 2025 : les sous-doués

  • Sébastien Marti.
    Sébastien Marti.
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Et si le bac n’avait plus aucune valeur ? Et si les lauréats étaient aussi peu qualifiés que "Les Sous-doués", le film de Claude Zidi dans lequel des lycéens redoublants obtenaient laborieusement leur diplôme avec la mention "Passable" ? Ces dernières années, une vaste offensive réactionnaire a nourri une multiplication d’accusations contre le baccalauréat, qui fait la fierté de notre système éducatif. "Pour ne pas avoir le bac, il faut en faire la demande", avait ironisé avec un certain culot Luc Ferry, qui fut ministre de l’Éducation nationale et à ce titre, comptable des réussites comme des échecs du corps enseignant.

À force de vouloir chacun marquer de son sceau la rue de Grenelle, les ministres successifs ont fini par faire dérailler le train des réformes. À commencer par les mathématiques, qui se sont réduites à une "spécialité" en terminale, là où autrefois elles infusaient dans toutes les filières, y compris économiques et littéraires. Ainsi, les professeurs de classes préparatoires se plaignent du niveau des élèves. Selon l’auteur de "La Fabrique du crétin", Jean-Paul Brighelli, défenseur d’un ultraconservatisme en matière d’enseignement, "un élève qui a eu entre 18 et 20 au bac et qui entre en classe prépa commence avec des notes comprises entre 3 et 6 ; c’est leur véritable niveau".

 

La paupérisation du diplôme se traduirait aussi par les taux de réussite, en constante augmentation depuis 60 ans : en 1967, seulement 61,7 % des lycéens étaient bacheliers ; l’année dernière, ils étaient 91,2 %. Les mentions "très bien", autrefois exceptionnelles (5 % dans les années 70), sont désormais banalisées, frôlant les 20 %. Les professeurs, soumis à la pression des attendus de Parcoursup, adapteraient leur notation pour garantir à leurs élèves une place dans le supérieur, mais aussi pour flatter l’ego des élèves et le consumérisme de leurs parents, qui réclament le bac pour leur progéniture comme un ticket de caisse au supermarché. S’ajoute à cela un abaissement des exigences face à des élèves déjà peu enclins à l’effort, et le baccalauréat, qui était autrefois vécu comme un rite de passage exigeant, et même une épreuve de la vie avec ce qu’elle comporte de souffrance et de mérite, est devenu une banale attestation qui valide la fin des études secondaires.

Un élément cependant pourrait déjouer le funeste destin promis à la formation de nos futurs étudiants : la crise démographique qui impacte les effectifs scolaires. On prévoit 400 000 élèves de moins dans le primaire et 110 000 de moins dans le secondaire d’ici 2027. Sur le strict plan scolaire, ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. À condition cependant de stopper la politique du nivellement vers le bas : plutôt que de supprimer des postes de professeurs, réduisons le nombre d’élèves par classe. C’est sans doute le seul prix raisonnable à payer si la France veut encore prétendre former une élite digne de ce nom.