3927-Déserts médicaux : chercher l’oasis
Déserts médicaux : chercher l’oasis
Allez donc tenter de planter un pommier sur une des dunes du Sahara ! Même en y venant chaque jour avec un arrosoir, il y a peu de chances qu’un jour on puisse préparer une compote. À cause d’un sol trop pauvre. À cause des vents violents, des nuits glacées, des midis brûlants. À cause d’un chameau gourmand. Aussi, vouloir implanter de force un médecin dans un désert médical est aussi risqué que de vouloir faire pousser des tomates dans le Hoggar. Car ce que l’on appelle aujourd’hui des « déserts médicaux » sont avant tout des déserts… pour tout.
À la campagne, les habitants ont d’abord vu disparaître les services publics : la poste, la perception, la gendarmerie, l’école. Puis les petits commerces et les artisans, remplacés par le supermarché-pompe à essence du chef-lieu de canton. En même temps, ces pays se sont « éloignés » les uns des autres, faute d’un réseau routier décent et à cause du naufrage des dessertes ferroviaires. L’injustice est aussi numérique : zones blanches persistantes, fibre qui se fait attendre. On se retrouve très loin des théâtres, salles de concerts, galeries d’art. Les grandes écoles, les facultés, les classes préparatoires sont à des heures de route…
Or, les médecins d’aujourd’hui n’ont plus la vocation quasi sacrificielle des médecins de campagne d’antan. Ils n’ont pas envie d’aller de ferme en ferme 15 heures par jour, sept jours par semaine. Après dix années d’études, ils ont pour beaucoup le rêve, certes d’exercer un métier qu’ils adorent, mais en profitant de la vie, de ses sorties, de leur famille. Pour leurs enfants, ils espèrent les meilleurs enseignants et… des spécialistes disponibles en cas de bobo. On peut les comprendre.
Aussi, les expériences qui sont régulièrement menées pour attirer les toubibs au-delà des grandes agglomérations sont décevantes. Et la corporation n’est pas d’humeur à ce qu’on lui impose telle ou telle contrainte.
Que peut-on espérer pour les années à venir ? Tout d’abord, il faudra patienter. Le verrou absurde du « numerus clausus » a sauté, mais il faudra une décennie pour rattraper le retard.
Surtout, il faudrait que la vie reprenne dans nos campagnes, et qu’une vraie politique d’aménagement du territoire puisse atténuer ces inégalités criantes. S’il y avait de réels progrès pour les transports, les services publics, l’accès à l’enseignement et aux soins, sûr que les toubibs verraient que le bonheur est parfois dans le pré. En attendant, il sera bien difficile de recréer dans ces régions des oasis dynamiques et accueillantes, ces fractures ayant plutôt tendance à s’élargir ces dernières années. On aurait tort de ne pas essayer malgré tout. « Ce qui embellit le désert, disait le petit Prince de Saint-Ex, c’est qu’il cache un puits quelque part ». Il ne reste plus qu’à creuser.