3926-Le Parlement, bateau ivre à la dérive

Le Parlement, bateau ivre à la dérive

EDITORIAL - La dissolution offrait aux élus une rare liberté d’initiative. Pourtant, loin d’en profiter pour bâtir un projet collectif, le Parlement a sombré dans le chaos : il est devenu la nef des fous.

 
 

A la tribune de l’Assemblée nationale, il pleuvait ce 25 juin sur François Bayrou. Il serait faux de dire que beaucoup de députés s’en soient émus. Ils étaient d’ailleurs fort peu nombreux pour ce débat de politique étrangère que la représentation nationale réclamait pourtant à cor et à cri. Mais celle-ci part littéralement à vau l’eau. Et cet orage sur Paris qui aspergeait d’une pluie de mépris le Premier ministre n’était qu’une illustration pathétique de ce qu’est devenu le parlement : un bateau ivre à la dérive où chaque député s’acharne à percer des voies d’eau tout en étant persuadé qu’il pourra sauver son siège. Comme s’il pouvait y avoir assez de bouées et de canots de sauvetage quand on précipite ainsi le naufrage…

 

L’occasion était pourtant belle pour les députés de prendre le pouvoir puisque celui impérieux du président de la République s’est autodissout. Fini d’être aux ordres de l’Elysée : les parlementaires pouvaient enfin parlementer en liberté. Echanger. Construire dans l’intérêt du pays des majorités d’idées. Prendre en considération celles des autres, prendre en compte les menaces extérieures et intérieures qui accablent le pays. Il était temps de s’employer à le redresser puisque le système politique jusqu’ici était une pyramide qui reposait sur sa pointe et que celle-ci s’était effondrée. Las, le pire était à venir.

Vidéo
Sur le web : Débats tendus entre députés avant le rejet préalable de la réforme sur l'audiovisuel public soutenue par Rachida Dati
 
 

En marche vers l’immobilisme

Le parlement est devenu la nef des fous. Le bateau ivre correspond à celui décrit par Arthur Rimbaud avec « des Indiens criards qui prennent les haleurs pour cibles ». Il ne s’agit pas de poésie en l’affaire, mais de politique, incompréhensible pour le commun des mortels. Le bloc central débloque avec des partis qui ne s’obsèdent plus que de la présidentielle 2027, et tirent donc à hue et à dia.

 

Macronistes, centristes, partisans d’Edouard Philippe, Républicains n’avaient dégagé préalablement aucun accord sur le fond ; ils en ont de moins en moins sur la forme. Ils ne se concertent même plus. Les parlementaires censés soutenir le gouvernement voient leurs projets de loi mités et détournés par les compagnons et amis au point d’être contraints d’appeler à les rejeter.

Les Républicains en particulier se distinguent, soutenus par le RN avec qui ils sont censés ne pas s’allier… Ainsi ils votent de concert contre les textes écologistes présentés par des ministres qu’ils doivent en principe soutenir. La gauche dite de gouvernement ne vaut guère mieux en revenant à la posture de censure. Avec pour seul effet de redonner la main au RN et de montrer toute la souplesse de François Hollande, qui mêle sa voix aux censeurs alors qu’il affirmait encore récemment que dans ces temps instables « il faut garantir la stabilité ». Allez comprendre.

 
 

Les socialistes veulent rassurer en promettant un programme de remise à plat pour 2027. Place publique, le petit parti de Raphaël Glucksmann, a lui avancé un projet. Mais les dirigeants du PS évitent d’en parler, comme d’échanger avec la CFDT pour vérifier s’il y a ou pas des avancées possibles sur la réforme des retraites. En se satisfaisant – et en encourageant – une démocratie sociale en marche vers l’immobilisme, notre petite classe politique se fragilise un peu plus. Pour reprendre les mots du poète, le bateau est « frêle comme un papillon de mai ».



03/07/2025
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