3892-Soutenir les Iraniens contre les mollahs n’est pas de l’ingérence, mais préférer le camp des peuples à celui des tyrans

«Soutenir les Iraniens contre les mollahs n’est pas de l’ingérence, mais préférer le camp des peuples à celui des tyrans»

Article de Hirbod Dehghani-Azar
 

 

 

 

FIGAROVOX/TRIBUNE - La guerre entre Israël et l’Iran ne devrait pas nous faire oublier le front intérieur de contestation du régime des mollahs, argumente l’avocat Hirbod Dehghani-Azar.

Manifestation à Téhéran (septembre 2022) en soutien au régime iranien et à sa politique vestimentaire stricte.© AFP

Hirbod Dehghani-Azar est avocat, récipiendaire du prix international de la laïcité et président de l’association Norouz, qui soutient les victimes de violations des droits de l’Homme en Iran.

 

Le bruit assourdissant des bombes au Moyen-Orient cherche à étouffer une vérité essentielle. Alors que la République islamique d’Iran et Israël se livrent à une guerre ouverte, l’émotion et la peur sont des armes aveuglant les consciences. Notre association, Norouz, née en France de l’onde de choc du mouvement «Femme, Vie, Liberté», refuse ce silence. Composée de citoyens de tous horizons unis par l’universalisme des droits humains, notre mission est de déchirer ce voile de fumée. Nous sommes le porte-voix de celles et ceux qui sont les premières victimes de ce conflit : le peuple iranien lui-même, pris en otage par son propre régime. 

 

Ne nous y trompons pas. Cette guerre n’est pas une démonstration de force, mais le symptôme d’une banqueroute totale. Depuis plus de quarante-six ans, la République islamique a mené l’Iran à l’abîme. Sur le plan économique, elle a pillé les richesses du pays pour ne laisser que misère, inflation et chômage, provoquant une hémorragie de ses talents et de ses capitaux. Sur le plan social, elle a érigé la haine des femmes et des minorités en système, fracturant la société. Sur le plan écologique, son incurie a engendré des désastres qui condamnent les générations futures. Cette guerre n’est donc pas une stratégie. C’est le dernier soubresaut d’un régime moribond qui, ayant perdu toute légitimité, ne survit que par la terreur qu’il sème à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. 

 

Face à cette faillite, le peuple iranien a déjà rendu son verdict. Le soulèvement «Femme, Vie, Liberté» n’est pas un événement isolé ; il est l’acmé d’une longue et courageuse résistance, la manifestation la plus visible d’un rejet profond, total et irréversible du système. L’illusion d’une réforme de l’intérieur, longtemps caressée par des chancelleries en mal d’imagination, s’est fracassée sur le réel. Et pour cause, comment attendre une évolution pacifique d’un régime dont la Constitution elle-même assigne à son armée et à ses Gardiens de la Révolution, non seulement la défense des frontières, mais la «mission idéologique, c’est-à-dire le Djihad dans la voie de Dieu et la lutte dans la voie de l’expansion de la souveraineté de la loi de Dieu dans le monde» ? Cette vocation expansionniste n’est pas une dérive ; c’est l’ADN du régime, son projet fondateur, inscrit dans son acte de naissance. Face à cette réalité, les Iraniens l’ont compris et ne le murmurent plus, ils le crient sur les toits et le peignent sur les murs : «la partie est terminée». 

 

À ceux qui, paralysés par la peur du chaos, préfèrent l’ordre d’une tyrannie à l’inconnu, nous disons : vous faites une erreur historique ! Plaquer le spectre de la Syrie ou de la Libye sur l’Iran est une paresse intellectuelle. Quarante-six années d’un régime totalitaire et défaillant ne doivent pas faire oublier que l’Iran est une nation plurimillénaire, peuplée de citoyens avertis dont le niveau d’éducation n’a rien à envier aux plus grandes démocraties. C’est une société vibrante, connectée au monde, forte d’une jeunesse dont la créativité stupéfie. Le véritable rempart contre le chaos, ce n’est pas la matraque des Gardiens de la Révolution. C’est le courage des femmes qui enlèvent leur voile, c’est la résilience de cette société plurielle et le génie de ce capital humain exceptionnel, seule et unique promesse d’un avenir démocratique. 

 

Dès lors, la communauté internationale doit opérer une révolution copernicienne. Cessez de focaliser votre regard sur l’appareil répressif du régime ! C’est un piège. La véritable force de changement, l’acteur avec qui il faut construire l’avenir, c’est la société civile iranienne. Ce sont ces avocats qui défendent les prisonniers politiques au péril de leur vie, ces enseignants qui éveillent les esprits, ces artistes qui brisent la censure, ces ingénieurs qui rêvent de reconstruire leur pays, et ces femmes dont le courage quotidien façonne déjà l’Iran de demain. Les soutenir n’est pas de l’ingérence. C’est choisir son camp : celui des tyrans ou celui des peuples. 

 

Un Iran libre et démocratique ne serait pas une menace, mais une chance historique pour la paix. Imaginez l’onde de choc positive. Sa métamorphose géopolitique, le faisant passer d’agitateur à stabilisateur, serait radicale. La fin du soutien aux milices qui ensanglantent la région ouvrirait la voie à la résolution des conflits. Le grand chantier de sa reconstruction, porté par le formidable potentiel de ses 88 millions d’habitants, deviendrait un moteur de prospérité pour tous. Et le rayonnement millénaire de sa culture ne serait plus un instrument de propagande, mais un pont de lumière et de dialogue entre l’Orient et l’Occident

 

Dans La Conférence des Oiseaux, chef-d’œuvre de la poésie persane, les oiseaux du monde partent en quête de leur souverain idéal, le Simorgh. Au terme d’un voyage éprouvant, ils découvrent que le Simorgh n’est autre qu’eux-mêmes, unis. Le peuple iranien, dans sa quête, est parvenu à la même conclusion. Il ne se laissera pas enfermer dans le choix funeste entre une dictature théocratique et une guerre destructrice. Leur choix est fait : ce sera la démocratie, la dignité et la liberté. L’Histoire, aujourd’hui, nous regarde. La question n’est plus de savoir si le peuple iranien est prêt pour la liberté. La question est de savoir si le monde aura enfin le courage de se tenir à ses côtés.



20/06/2025
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